Jours 122 à 135 – Mercredi 24 août à mardi 6 septembre – Archipel des Galápagos : San Cristobal, Santa Cruz, Santa Isabela – Équateur
Me voilà marchant depuis l’aéroport jusqu’à la ville de Puerto Baquerizo Moreno. J’ai tellement préparé mon voyage à travers les rencontres des derniers mois que je suis déjà familier avec les lieux en les découvrant. Au cours des 14 jours que je vais passer sur l’archipel, je compte visiter trois îles. San Cristobal abrite les lions de mer les plus sociaux du coin. Santa Cruz accueille le plus grand aéroport et est la destination la plus touristique. Enfin, Santa Isabela est la plus grande île et la plus sauvage des trois.
Une courte fresque historique
Découvert totalement par hasard au XVIe siècle par un évêque venu régler une dispute entre Pizarro et ses lieutenants, le lieu présentait des traces d’occupation précolombienne mais était désert. L’équipage s’est retrouvé emporté par l’un des courants majeurs passant par les Galápagos et a débarqué, mal en point, à la recherche d’eau douce.
Jusqu’au début du XIXe siècle, l’archipel sera un repaire pour les pirates et plus tard les baleiniers. Formidable réserve de nourriture et de graisse, la tortue y fut décimée au point de frôler sa disparition.
Après plusieurs tentatives de colonisation qui terminèrent en drame, on donna la réputation au lieu d’être maudit. Je retiens la volonté de José de Villamil d’avoir été un utopiste tenté de construire une nouvelle société en donnant une seconde chance à d’anciens condamnés qui l’assassineront et prendront le pouvoir.
La mauvaise décision d’envoyer des criminels et une police brutale aura pour expression la plus hideuse son pénitencier qui coûtera de nombreuses vies pendant 13 ans jusqu’à une révolte des prisonniers en 1958. On peut témoigner de cet abus sur Isabela où une partie d’un mur de pierres de 190 m de long pour 6 m de large et 9 m de haut reste visible. L’objectif de cette construction était uniquement de punir les prisonniers.
Une nature préservée
Formé à la suite d’éruptions continues, les îles ne sont que le sommet d’énormes montagnes volcaniques sous-marines. Les surfaces les plus jeunes continuent d’ailleurs leur croissance.
Isolé du continent, ce sont l’air et l’eau qui ont été les moyens de conquérir ces terres pour y développer sa biodiversité. Les graines des plantes côtières comme les mangroves résistent à l’eau et ont pu flotter jusqu’aux Galápagos. Les lions de mer, les pingouins et la vie marine s’est fait guider par les courants océaniques. Les iguanes et les tortues terrestres auraient pu arriver sur des troncs dérivants ou autres masses de végétation. Les oiseaux ont quant à eux pu voler jusqu’à ces terres. Enfin, les insectes et autres graines ont pu être portées par le vent ou par d’autres animaux.
Le lieu, grandement préservé malgré son occupation, jouira d’une préservation renforcée à la suite du naufrage du pétrolier Jessica et de la marée noire qu’il engendra en 2001.
Immersion dans la faune des Galápagos
Autant le dire tout de suite, j’ai passé la majorité de mes journées à aller faire du snorkeling et me balader dans les îles. J’ai eu la chance de nager avec des tortues marines et des iguanes marins broutant tranquillement au fond de l’eau. Parfois, des lions de mer me rendaient visite et si j’arrivais à provoquer leur curiosité à faire des bulles ou des figures improbables, j’avais le droit de vivre un moment magique avec eux. J’ai même fait une partie de cache-cache avec un jeune !
Malgré le prix conséquent et la difficulté annoncée, je me permets une plongée sous-marine durant mon séjour. Le courant sera éprouvant mais la magie du moment à se retrouver englouti par un banc de poissons et à faire face à plusieurs requins (à défaut de requins-marteau, ce sera des requins à pointes blanches, à pointes noires et des Galápagos). Inoffensifs, la beauté de ce moment silencieux ponctué par la mélodie du compresseur et des bulles d’oxygène remontant à la surface me restera gravé à l’esprit pour de nombreuses années.
Plutôt que de détailler chaque moment et de parler de toutes les espèces rencontrées, j’ai envie de faire un focus sur trois espèces qui m’ont marqué.
Celui qui me fait fondre le cœur de love à la guimauve
Le lion de mer Zalophus wollebaeki est une espèce endémique ayant évolué il y a un million d’années en migrant depuis la Californie.
À la différence du phoque, l’otarie a des oreilles (beaucoup trop mignonnes), des pattes plus développées pour se déplacer sur terre et est bien plus flexible au niveau du cou et de sa colonne vertébrale pour chasser le poisson (ce n’est pas une grosse patate quoi). Il plante ses moustaches dans le sol pour sentir les vibrations et trouver de la nourriture. Il peut manger 16 kg par jour et se relaxer après sur trois jours. Pouvant aller à 46 km/h et jusqu’à 500 m de profondeur, il a des muscles pour fermer sa gorge et ses oreilles afin de plonger environ 11 minutes.
Durant mon séjour, j’observerai de nombreuses femelles allaiter des petits de toutes tailles. Si l’otarie connait 9 mois de grossesse et seulement 1 mois de paix avant de s’y remettre, elle peut néanmoins retarder sa grossesse pour se remettre en forme. Vivant une vingtaine d’années, elle peut avoir un bébé de un, deux et trois ans avant que le plus âgé se décide à arrêter de se la jouer Tanguy.
Lorsqu’elle donne la vie, elle reste 7 jours avec son petit sans sortir se nourrir. Après quoi, elle peut partir 11 jours pour décompresser. Sa progéniture doit se débrouiller et trouver d’autres mères sans se faire chasser lorsqu’elles se réveillent de leur sieste.
Godzilla qui se reproduit avec un paresseux, ça donne… ?
Sur mon chemin, je croiserai de nombreux iguanes marins uniquement trouvables ici et au Panama (dont ils sont sûrement originaires). Si ce sont de gros fainéants sur terre, ce sont d’admirables plongeurs. Pouvant vivre un an sans nourriture (ils réduisent juste leur taille de 20%), ils passent la majorité du temps à se dorer la pilule au Soleil et quand ils surchauffent, ils redressent le buste pour ventiler leur ventre et faire de l’ombre sur leur dos avec leur tête.
Sous l’eau, ils peuvent arrêter leur cœur pendant deux heures. Leur tête plate leur permet de se nourrir sur les roches volcaniques souvent plates ou arrondies. Impressionnants avec leur queue de crocodile, j’ai pu nager quelques fois avec eux et j’ai vraiment eu la sensation d’être dans le film Godzilla. Ils boivent de l’eau de mer et la filtrent en éternuant le sel (on les repère souvent en les entendant le faire d’ailleurs).
Ces gros concombres ne rencontrent pas de prédateur ici (requin, serpent…) aussi ils sont légion et ne craignent pas les humains.
Des pirates ailés
Les oiseaux de mer se recouvrent le plumage d’huile pour plonger et pêcher. Les frégates que j’observe depuis les côtes caribéennes n’en ont pas alors que ce sont des oiseaux de mer également. Comment survivent-ils donc ? Si le fou à pieds bleus vole à 60 km/h, la frégate peut atteindre une pointe à 150 km/h pour lui voler son repas fraîchement pêché en lui pinçant la gorge. Le volatil est aussi impressionnant en matière d’endurance puisqu’il peut faire 40 km pour chercher un oiseau et peut voler sans se poser pendant 10 à 12 jours en faisant dormir uniquement une partie de son cerveau.
Saigné à blanc
Si j’étais préparé à un séjour exceptionnel pour mes yeux mais aussi pour mon portefeuille, la dévaluation de l’euro, la reprise du tourisme post-COVID, la hausse des prix du pétrole et des aliments de première nécessité ont été l’opportunité pour l’archipel de doubler ses prix en trois ans. Payer le prix pour aider à la préservation de l’archipel est le crédo des Galápagos mais j’ignore le montant qui sert à cet objectif.
Pour accéder à ce paradis, il faut prendre le billet le plus cher (les places économiques étant réservées aux équatoriens ce qui s’entend). Aussi, il faut payer 120$ (soit 120€) de taxe d’entrée et d’autres pour entrer ou quitter une île. Les ferries ont un coût conséquent et sont accessibles par taxi-bateau (qui fait 50 m), rajoutant chaque fois une nouvelle dépense. La nourriture est plus chère qu’en France et les logements sont difficilement négociables sur le prix, les auberges de jeunesse n’étant pas vraiment autorisées sur l’archipel.
Il est obligatoire pour un étranger de prendre un guide pour faire à peu près n’importe quoi. En plus d’un droit d’entrée à des plages, cela revient vite cher. Les excursions sont entre 100 et 300$, sans parler des croisières de 3-4 jours pour faire de la plongée et voir des requins-baleine à 4000$.
Ma sortie plongée m’aura coûté 170$ alors que celle similaire que j’ai fait en Colombie m’en a coûté 25$. La préservation et la hausse des prix a bon dos.
Le rapport à l’argent m’aura poussé à négocier fortement et à limiter mes repas à des menus del día, quelques empanadas, des bananes et du pain. Sans la généreuse cagnotte de mon anniversaire et de mon pot de départ, je n’aurais pas pu vivre cette aventure. J’éprouve une grande reconnaissance envers ma famille, mes amis et mes collègues pour me l’avoir permise.
Un ressenti mitigé
Au final, je retiendrai évidemment le positif de mon séjour aux Galápagos : les moments partagés avec les lions de mer et les tortues, l’immersion dans le monde de requins et d’autres animaux sauvages, la rencontre de quelques très chouettes personnes…
Je ressors néanmoins épuisé par ce rapport à l’argent changeant ma manière de voyager et m’infligeant une charge mentale désagréable. J’aurais adoré faire plus d’activités et aller à la rencontre d’autres espèces (pingouins, requins-marteau, raie Manta…) mais malgré cette frustration, je me sens chanceux d’avoir eu de moments aussi uniques.
Si je suis bien évidemment pour la préservation de nos écosystèmes et en faire payer le prix juste, je n’apprécie pas voir un tourisme de luxe se développer pour profiter de la nature dans son état le plus simple, le rendant exclusif et lui faisant perdre sa saveur.
J’espère à travers les photos et vidéos que j’ai pu faire vous partager un petit peu de cet univers magique que j’ai pu découvrir et les émotions qui vont avec. On se retrouve sur le continent !
Polala mais ces images !! C’est ouf ! Merci une fois de plus pour ces partages !
(et les otariiiiies, trop mignooooonnes!)
Avec grand plaisir ! Les otaries devraient prendre le pouvoir sur le net plutôt que les chats. Elles laissent moins de poils en plus.
El artículo más lindo de todos!
Me derrito con los leones marinos y la sesión de yoga jaja
Gracias Tatiana, feliz de saber que lees el sitio 🙂