Jours 181 à 184 – Samedi 22 à mardi 25 octobre 2022 – Aguas Calientes, Machu Picchu, Cuzco – Pérou
Pour arriver jusqu’à Aguas Calientes, le village au pied du Machu Picchu, il est possible d’opter pour la facilité mais surtout la sécurité en prenant l’un des trains les plus chers du monde une fois le prix rapporté au kilomètre parcouru. Mon budget de backpacker et mon goût pour l’aventure m’amènent à prendre l’option bus en compagnie de Thibault, Romane, Alexandre et Robert.
La traversée de la Vallée Sacrée et l’ascension de quelques sommets en chemin seront éprouvantes tant le brouillard se révèle épais sur les routes en lacets. Le plus dur sera les derniers kilomètres à longer le bord de montagne sur une route de terre en travaux avec les précédents restes d’éboulements poussés sur le côté et un double sens qui fait souhaiter de ne croiser aucun camion en face, surtout dans les virages et encore plus quand on est côté ravin… Bien évidemment, difficile de ne pas penser aux nombreux accidents qui surviennent sur cette route et dont j’entends parler depuis des mois…
Déposés près d’un barrage hydroélectrique, nous voilà aux portes de la jungle péruvienne. La chaleur écrasante, la végétation dense et les chants d’oiseaux nous le confirment. Et c’est sans compter sur les piqûres de minuscules moustiques silencieux laissant la moindre partie du corps exposée à leur merci. Après trois heures de marche équipé de mes deux sacs à guetter le moindre signe de la cité perdue, nous arrivons en nage pour chercher un logement au tarif abordable. Le séjour à Aguas Calientes sera de courte durée mais parfait pour nous laisser à chacun du temps pour digérer les épreuves des derniers jours. Chacun prendra le temps de se reposer et d’errer dans la ville avant de se retrouver pour partager quelques moments de légèreté autour d’un verre ou d’un met.
J’irai de mon côté écrire dans les cafés et profiter de quelques balades. Plutôt que de me rendre dans les termes d’Aguas Calientes (signifiant « eaux chaudes » en espagnol), j’opte pour la version douche froide à la rencontre de quelques cascades en compagnie d’Alejandra avec qui je partagerai la rencontre de nombreux oiseaux de la jungle (que j’ai lutté à rencontrer en Colombie) et de quelques pâtisseries françaises.
Lundi 24 octobre, me voilà à 4h30 à marcher à la rencontre des 1900 marches pour accéder au site sur un dénivelé positif de 550 mètres pour tout juste plus d’un kilomètre de distance. Au final, la montée n’est pas bien compliquée et les montagnes voisines entourées de brume me font occulter l’effort un temps. Quelle exaltation ! Depuis mon entrée dans la vallée, je ne cesse de penser à la difficulté qu’il y eu de trouver ce site non oublié mais introuvable. Je ne peux qu’approuver quand on voit le chemin à parcourir pour arriver jusqu’ici (et encore sans les routes qu’il y a aujourd’hui).
Il aura fallu attendre 1911 pour que Hiram Bingham, un historien américain, trouve le site (d’autres y seront passés avant sans en comprendre l’importance) et lance une étude du site. L’exportation « temporaire » de 35 000 fragments de poteries et autres pièces à l’Université de Yale causera des tensions puisqu’il faudra attendre 2010 qu’elles soient retournées au Pérou sous menace judiciaire.
Faisant la visite du site en même temps que le reste du groupe, j’ai pris un circuit différent qui me laisse seul à faire la découverte du site. L’excitation est à son comble quand, après quelques mètres une fois l’entrée passée, l’une des sept merveilles du monde se dévoile à mes yeux ébahis. Perchée sur un plateau entre deux montagnes, le site est divisé en deux grands secteurs : une zone agricole formée de nombreuses terrasses observées sur d’autres sites et une zone urbaine incluant un quartier sacré, un quartier populaire et le quartier des nobles.
Depuis la cité perdue, j’observe tout le trajet parcourue à pieds il y a quelques jours depuis la centrale jusqu’au village. Fasciné par les terrasses soutenues de pierres parfaitement alignées, je ne peux qu’imaginer les conditions pour les construire alors qu’elles dominent un vide de plusieurs centaines de mètres. Finalement, les conditions de travail dans un bureau…
Construite vers 1440 sous le règne de l’Empereur Pachacútec à 600 mètres de hauteur au-dessus de la rivière Vilcanota-Urubamba, le site compte 172 constructions et 8 chemins connectant le site à d’autres régions. La guerre civile et (1531-1532) et l’arrivée des Espagnols à Cuzco (1534) mettent fin à la prospérité du site et à son utilisation, poussant sa population à déserter le site. Il restera par la suite exploité jusqu’à sa découverte uniquement sur le plan agricole par la population locale, isolée de tout. Les édifices seront laissés à l’abandon et la végétation reprendra ses droits.
Ma visite du site se poursuit et l’exaltation est à son comble quand je commence l’ascension d’un sommet pour obtenir une vue unique sur les ruines. Premier sur le site et seul, je me sens tel Indiana Jones. La proximité avec le vide me vole quelques battements de cœur tout en me marquant d’un sourire inarrêtable. Après un long moment de contemplation, il est temps de quitter ce site aussi mystique que fascinant.
Machu Picchu est un voyage à la sérénité de l’âme, à la fusion éternelle avec le cosmos, là-bas nous sentons notre propre fragilité. C’est une des plus grandes merveilles d’Amérique du Sud. Un havre de papillons à l’épicentre du grand cercle de la vie. Un miracle de plus
Pablo Neruda
Sur la même journée, il me faut retourner jusqu’au village d’Aguas Calientes récupérer mon sac avant d’entamer le trajet dans la jungle jusqu’à le minibus de la mort et braver à nouveau cette route monstrueuse. J’attends Cuzco à 21h et le corps en miettes, impossible de prendre un bus de nuit jusqu’au lac Titicaca de nuit, de peur de mettre trop de temps à m’en remettre. Le besoin de confort me pousse à prendre une nuit de repos sur l’ancienne capitale inca. J’en profiterai pour écrire un peu plus et je ferai quelques jolies rencontre dont Ivone, une Couchsurfeuse que j’avais contacté pour m’héberger sur ma prochaine destination, et Louise rencontrée dans le bus qui m’aidera à rendre le trajet moins long et moins éprouvant.
Mardi 25 octobre, je prends donc un bus de nuit en direction de Puno, accompagné à nouveau par Thibault et Romane. Tout comme Alexandre et Robert, ils vont visiter la Bolivie pendant que je me dirige vers le Chili. J’aurais apprécier faire de même mais la contrainte de temps que je me suis fixé me force à marcher en direction du sud en évitant trop de détour. J’espère donc la faire au retour en remontant le continent dans quelques mois…