Jours 69 à 81 – Samedi 2 à Jeudi 14 juillet 2022 – Colombie – Armenia, Tuluá, La Marina
Après des au revoir émouvants avec Jaime et Celina à San Agustín, Thibault, Romane et moi embarquons pour six heures de bus sur une route aussi déplaisante que lors de ma visite de Jardín. Rude épreuve pour nos vessies. Une fois à Popayán, je quitte le couple lyonnais se rendant à Cali. Ne sachant ni quoi faire ni où dormir, la ville ne m’attire finalement pas. Je n’ai pas envie d’y rester. Au sud du pays, je souhaite remonter pour rencontrer Mauricio, un ami de mon frère et de ma belle-sœur vivant avec sa compagne Isabel dans la campagne. Ils me proposent en effet de m’héberger quelques temps. Je décide de me rendre à proximité et de tout faire en une seule journée de bus. Tant pis pour Popayán.
Disposant de deux jours de libre avant de m’immerger sur cet autre pan de la culture colombienne, je retrouve Darling, rencontrée à Manizales, pour découvrir Armenia. La ville n’a finalement pas grand-chose à offrir à part son parc municipal. J’en profiterais tout de même pour flâner, découvrir quelques spécialités culinaires et prendre ma dose de jeux vidéos rétros dans un bar spécialisé.
Tuluá n’a pas non plus grand-chose à offrir. Je continue de flâner en provoquant la curiosité et les sourires amusés des locaux, soulignant que la région ne compte pas beaucoup d’activités touristiques et par conséquent de gringos. J’y passe une nuit pour prendre la seule Jeep en cinq jours qui se rend dans les villages de montagne où je dois rencontrer Mauricio et Isabel. Par chance, cette dernière est en ville pour faire les courses car il n’y a qu’une petite tienda à plusieurs kilomètres près de la finca où ils vivent. Le pick-up est déjà plein à craquer de marchandises (principalement de la nourriture pour le bétail) et de gens. Je compte 21 personnes dans le véhicule et j’ai comme le sentiment que je m’apprête à vivre une aventure encore inédite.
M’agrippant à la rambarde arrière, les pieds à peine ancrés sur l’angle d’une plateforme métallique, la route dans sa progression s’avère de plus en plus pentue et je prends avec humour la situation qui peut s’avérer dangereuse. Pour éviter les branches et les parois rocheuses, sans mentionner la proximité avec le vide par moment, je me baisse régulièrement en renforçant ma poigne sur le petit espace qui m’est accordé. Le défi est physique au point de m’engourdir les bras. Heureusement les arrêts sont nombreux et la Jeep se vide petit à petit. C’est 4 heures plus tard après une panne nécessitant de changer de véhicule que nous arrivons dans la finca et que je rencontre Mauricio. Si pour moi ce trajet fut une anecdote rigolote à te conter, c’est pour une part importante de colombiens une réalité du quotidien beaucoup moins drôle : une campagne isolée sur de nombreux aspects et difficilement accessible.
Lors d’une parenthèse à Buenos Aires, Mauricio a rencontré ma belle-sœur Maria qui voyageait avec son copain de l’époque. Ensemble, ils ont baroudé jusqu’en Patagonie et ont croisé mon frère Jonathan sur leur route en faisant du stop. Rencontre éphémère de voyage, ils se recroisent par hasard sur le sud du continent où le frangin travaille quelques temps comme serveur pour se renflouer. C’est là que Maria, Mauricio et Jonathan apprendront à se connaître davantage.
Le hasard fera que Maria retrouvera mon frère quelques temps plus tard en étant au-pair à Lyon. Ses retrouvailles amèneront leur lot de surprises dont mon neveu Alix et depuis ce 14 juillet, ma nièce Alma que j’aurai le plaisir de rencontrer à mon retour de voyage.
Mauricio vit depuis cinq ans dans cette maison et Isabel l’a rejoint peu de temps après. L’exploitation est biologique et sans de nombreuses paires de mains pour la développer, la mise en place fut un défi chronophage pour construire les serres et organiser le commerce. Aujourd’hui, la finca a pris forme mais continue d’évoluer. Les fruits et légumes produits sur place sont variés mais c’est avant tout la production de plantains et de tomates de différentes variétés qui sont au cœur de l’activité. La région connaît une météo surprenante avec de la pluie et du soleil toute l’année, parfait pour les culture.
Le lieu est sauvage et enchanteur. Regorgeant de mygales, serpents coraux et scorpions, la vigilance est de mise. Je ferai durant mon séjour la rencontre de nombreuses petites bêtes sympathiques parfois de manière plus rapprochée que je ne le souhaite (coucou la mygale à mes pieds ou celle que je manque de caresser en arrachant quelques herbes). La vue de la maison ouverte sur la vallée est à couper le souffle. Les forêts se mêlent aux champs de plantains. Les vallées et les montagnes s’entremêlent sur toute la Cordillère centrale se perdant à l’horizon. Les villes et villages se manifestent en même temps que la sortie ici audacieuse des étoiles.
Durant mes dix jours à vivre avec eux, je prends un malin plaisir à m’organiser une routine, profitant de mes matinées pour écrire et de l’après-midi pour aider dans l’activité de la finca : soin, sélection, récolte et tri des tomates, nettoyage des serres, peinture… Les journées sont ponctuées par de délicieux repas sains et de pauses café ou chocolat.
J’en apprends davantage sur les conditions de vie à la campagne où ses habitants sont oubliés par l’État et subissent les règles des groupes armés locaux (on se rappelle aussi les millions de personnes expulsées de leurs terres depuis des décennies par ces mêmes groupes). S’installer ici en venant de la ville est donc un véritable défi et demande une certaine prudence. Interdit par exemple de rouler en moto avec un casque qui pourrait empêcher quiconque de t’identifier. Le guérillero ne porte pas un badge pour se faire reconnaître ; aussi obligation de faire attention à ce que tu peux dire ou penser. Un espoir immense repose sur l’arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement de Petro pour considérer à nouveau la ruralité du pays et ses habitants.
Je profite de l’invitation de Ancizar, un voisin, pour visiter son exploitation de caféiers. Comme partout en Colombie, c’est l’arabica qui est produit pour faire un produit fin et aromatique sur des terrains de montagne pour une culture moins productive. En dépulpant la cerise de café (rouge au goût sucré et à la texture presque gélatineuse), on trouve deux grains de café avec encore une fine peau pour les protéger. Les grains sont étalés dans un séchoir plusieurs semaines. La pellicule désormais friable, ils sont ensuite vendus à une des nombreuses grandes coopératives du pays qui s’occupe de la suite du processus de transformation. Le café est encore produit avec le concours de nombreux produits chimiques mais on voit émerger de plus en plus d’exploitation biologique.
À prendre ces 10 jours aux côtés d’Isabel et Mauricio, j’ai pu retrouver une forme d’apaisement en prenant du temps pour moi tout en partageant de nombreux moments (dont une bien amusante leçon de danse) en bonne compagnie. Je repars cependant épuisé le vendredi 15 juillet après une nuit d’orage et l’agitation de reprendre mon voyage. Avec 3h de sommeil et un réveil glacial, je reprends la Jeep (cette fois bien moins chargée) pour me rendre à l’une de mes dernières destinations de Colombie : Cali, capitale mondiale de la salsa.
On avait pas dit stop les araignées ? Non? Ok…
Il est trop beau Alix !!
Trop incroyable chez Mauricio et Isabel. Ca me vend du rêve
P.S: Est-ce qu’on se parle du short à fleurs ?
C’est tellement bien écrit et avec des photos superbes que j’ai vraiment eu la sensation d’être là-bas quelques instants 😁
La vidéo est géniale, et le short à fleurs, hors du temps.. bisous mon JB !
Merci PPBG ! Ça me motive à continuer d’écrire ! Poutoux à fleurs !