Jours 253 à 257 – Mercredi 31 mai à dimanche 4 juin – Oaxaca, San José del Pacifico – Mexique
J’ai longtemps hésité sur la rédaction de cet article concernant ce que je souhaite partager. Sans le savoir avant d’arriver à San José del Pacifico, je m’apprête à vivre plusieurs expériences inoubliables qui vont remettre plusieurs de mes conceptions en question.
Ayant dans l’idée de venir faire une retraite et de prendre un temps pour m’arrêter, je compte donc passer quelques jours dans une petite chambre à écrire, lire, méditer et pourquoi pas regarder quelques films. Le village semble perdu au milieu des montagnes dont les formes incertaines se perdent à l’horizon. Le tout est entouré de forêts denses de pins. Les nuages oscillent en permanence entre le dessin d’une mer duveteuse en plus basse altitude et un épais brouillard laissant en permanence une agréable pellicule d’eau douce sur la peau. Impossible de se sentir au Mexique que je connaissais jusque-là.
Comme souvent dans les pays visités jusqu’ici, il arrive de tomber sur des villages perdus qui connaissent une notoriété grandissante chez les voyageurs. La sérénité qui se dégage de ces lieux pousse parfois à voir apparaître un nombre (quelque fois excessif) de services bien-être (yoga, méditation, massage…) d’un côté et de l’autre développer le côté « hippie » avec une autre conception de bien-être et de paix intérieure. Les travers arrivent alors et on observe une forme de normalité à venir troubler ce calme en prenant toutes sortes de substances en faisant la fête. Résultat assez ironique qui peut donc gâcher la tranquillité et la beauté du coin alors que l’objectif est de venir en apprécier les saveurs.
Ma retraite sera donc à vouloir chercher le calme là où je ne peux pas vraiment le trouver, même en étant excentré. La magie du lieu et les rencontres que je vais y faire rendront pourtant cette remarque anecdotique. En commençant par Mélanie, hollandaise baroudeuse rencontrée à Oaxaca avec qui les discussions sont très riches et qui souhaite faire l’expérience de San José.
Quand je parle d’expérience, je parle surtout de ce qui fait pour certains voyageurs la réputation du village à savoir la récolte et la vente de champignons hallucinogènes. Grandement respecté pour l’accompagnement spirituel qui peuvent offrir, ils sont désormais facilement vendus sans véritable accompagnement au cœur du village (qui pourrait reprocher aux locaux de vouloir augmenter ses revenus dans l’une des régions les plus pauvres d’un pays où de nombreuses personnes ont deux emplois à la fois pour vivre correctement ?). Pour obtenir un accompagnement qui plus est de qualité, il faut bien chercher et surtout savoir que cela existe. Ce sont en effet des produits puissants qui peuvent durer plusieurs heures et qui peuvent avoir des conséquences psychologiques et émotionnelles au long terme.
Si chacun vit son voyage à sa manière (tant que cela reste dans le respect des autres), le mien prend un tournant inattendu avec la rencontre de deux femmes de magie ancestrale (terme plus adapté que chaman dont le sens est aujourd’hui vidé de sa substance), vivant dans les environs. L’accompagnement de Claudia et Mariela me permettra de vivre au cours de ce séjour des cérémonies toutes très différentes et enrichissantes. Si je souhaite taire mon expérience personnelle, j’ai envie de partager la culture autour de certaines de ces médecines et leurs significations aux yeux des locaux.
Avant d’en dire davantage, je mets en garde face au tourisme spirituel qui s’est fortement développé les dernières années, spécialement dans les Amériques (je ne peux dire le nombre de fois où on m’a proposé un voyage à l’ayahuasca dans les rues d’Équateur). Faute d’attrait pour la prise de substances quelconques et la vigilance face au charlatanisme ou l’amateurisme, je reste très vigilant sur les apprentissages promis et une quelconque « solution magique » aux problèmes.
Pourtant, ma curiosité naturelle et mon expérience de vie me poussent à rester ouvert en la matière et me laissent convaincu que certains de ces sujets dépassent l’entendement commun. Je m’aventure donc avec prudence sur ce terrain car une fois la porte ouverte, c’est un tout autre monde qui se présente alors.
L’an dernier, j’ai eu la chance d’être invité par mon amie Carla à un temazcal cérémonial, encadré par un homme de médecine. Si l’expérience était plus qu’éprouvante, je découvre au Mexique une utilisation commune de cette respectée « cérémonie de renaissance » traitée ici comme un moment de bien-être à la façon d’un spa. Je ne condamne pas l’existence de cette forme dérivée mais plutôt la tentative réussie d’appropriation culturelle et la commercialisation standardisée de ces rituels aux racines ancestrales et à l’encadrement nécessaire qu’il faut préserver.
Voici donc certains enseignements que Mariela à bien voulu me partager sur certaines cérémonies traditionnelles de la région (et je l’en remercie grandement).
- Le temazcal cérémonial :
Le temazcal reconstitue l’utérus d’une mère voire de la Terre-mère Tonantzin. Sombre, exiguë, empli de vapeur, il nous permet d’oublier les nuisances extérieures et de vivre notre propre renaissance. En plus des bienfaits physiques, le temazcal permet ici de se purifier spirituellement. Il consiste à chauffer des pierres au feu pour pouvoir les déposer au centre de l’habitation plongée dans le noir. On jette dessus de l’eau et des plantes pour produire de la vapeur. Le maître de cérémonie entraîne le groupe à l’aide de chants et de musiques qui permettent de rentrer en une sorte de transe. Quatre temps sont marqués en lien aux quatre éléments honorés.
- La cérémonie des champignons (ceremonia de los hongos) :
Elle amène à transcender les émotions, les émotions, les attitudes et les façons de voir la vie. Ce sont les champignons qui montrent ce qu’il faut soigner et comment le faire. Ils sont des maîtres de vie qui emmènent dans cet acte cérémoniel vers son intérieur et de là font leur travail de guérison. Ils facilitent la sortie d’état de dépression, aiguisent les sens et offrent une clarté mentale.
Il est nécessaire de préparer son corps en le purifiant à l’aide d’un temazcal et de ne consommer ni viande, ni alcool, ni drogues. Aussi, interdiction d’avoir une relation intime dans les 48h qui précèdent le soin.
Après l’ingestion, il est invité à se trouver un lieu paisible pour la durée de ce “voyage” en solitaire. L’accompagnement en amont et en aval permet de s’assurer que la personne est apte à recevoir ce soin et sera ensuite conseillée. L’accompagnateur ou accompagnatrice pourra intervenir plusieurs fois pour vérifier que tout va bien et aider à passer certains points de blocage. Les effets se ressentent jusqu’à plusieurs jours plus tard et les locaux ont l’habitude d’une prise annuel, durée supposée de l’accompagnement des hongos.
- La cérémonie du cacao :
En travaillant avec l’Esprit du Cacao, on permet un voyage à l’intérieur de son être où réside la sagesse. L’objectif est de se reconnecter avec sa beauté, sa douceur et son amour propre. Thérapeutiquement, cette cérémonie aide à retrouver son pouvoir, son estime de soi et ainsi avoir une meilleure relation avec soi-même.
Sur le plan physique, il fournit de l’énergie pour surmonter le travail quotidien, garde mentalement plus actif, réduit les douleurs corporelles et garde la peau plus propre et exempt d’impuretés.
L’Esprit du Cacao est l’une des divinités les plus puissantes de la cosmologie Maya. Appelé « Ku-Ku » (signifiant sacré au-dessus du sacré), il a été cultivé par les mayas pendant 2500 ans et utilisé pour de nombreuses cérémonies.
- La cérémonie du tabac à priser (ou râpé) :
Sur le plan énergétique et émotionnel, la prise de tabac sous forme de poudre soufflée dans le nez nettoie notre perception, clarifie l’esprit et ouvre les canaux énergétiques supérieurs pour connecter au plus haut niveau de l’être. Il interrompt le dialogue interne et enclenche un état méditatif direct. D’une aide précieuse pour calmer les processus mentaux récurrents et rééquilibrer les états émotionnels déséquilibrés, le râpé est un moyen d’accéder à certains déblocages et guérir de charges émotionnelles négatives. Il aide à détacher les entités. Agissant sur la glande pinéale, il nettoie, ordonne et aligne le champ énergétique, en particulier les chakras du troisième œil et coronal.
Sur le plan physique, il aide face aux soucis respiratoires, les maux de tête et la digestion (cela peut amener parfois la personne à vomir ou cracher). Le tabac à priser peut être aussi utilisé comme substance analgésique soulageant la fatigue, la douleur, la faim et la soif. Avec la nicotine qu’il contient, il augmente le flux sanguin vers le cerveau et affecte la libération de neurotransmetteurs conduisant à des effets antidépresseurs et stimulants. C’est aussi un excellent cicatrisant et antibiotique appliqué sur les plaies, combiné à la sauge et la lavande.
- Le soin chamanique ancestral :
Avec l’attention de soigner à la fois le corps, le mental et l’âme, le soin est une combinaison d’aromathérapie, de musicothérapie et de discussions.
Les effets sont variés avec le soin de maux de tête ou douleurs de dos, la relaxation musculaire et mental et le renforcement du système immunitaire. Il augmente enfin les niveaux d’énergie.
Il est certain que bien d’autres soins existent mais l’objectif n’est pas d’être exhaustif. Ce billet se voulait avec une approche différente de ce que j’ai l’habitude d’écrire et en réaction à l’univers qu’il m’a été offert de découvrir à cette étape de mon périple. S’il se veut parfois critique, ce n’est pas tant envers des comportements personnels qu’envers des phénomènes de société dont les déviances ont un impact parfois sous-estimé.
Un voyage parallèle commence ici, plus centré vers l’intérieur. La magie à s’aventurer sur de tels sentiers à frapper sans que je m’y attende même si une partie de moi l’espérait. Si j’ai obtenu certaines réponses, ce sont encore plus de questions qui se posent maintenant avec la suite du voyage pour digérer l’expérience et ce flux d’informations.
Holala quelle expérience JB ! j’avoue que j’aurai bien aimé vivre cela ! En tout les cas tu présentes bien ces différentes pratiques et tu les rends accessibles. Effectivement ce que tu as vécu est bien loin certainement de ce qui est reproduit ici par un effet de mode qui occulte certains protocoles et rend les résultats parfois dangereux. Merci pour ce billet, certes différent mais très enthousiasmant pour qui s’intéresse à tout cela, ce qui est mon cas !