Aujourd’hui, je me décide à rédiger un article auquel je pense depuis un long moment. L’envie de clarifier mes choix de voyage et les valeurs que je porte avec moi.
Quelle chance !
En amont de mon départ, beaucoup de personnes m’ont envié en me rappelant que j’ai de la chance. J’aime à dire que je suis l’homme le plus chanceux du monde. J’ai une famille et des amis aimants, je suis en bonne santé et je suis né dans un coin du monde où la vie est douce. C’est une certitude.
Néanmoins, mon voyage n’est pas une chance à proprement parler, c’est dix années de travail à économiser. Bien sûr, il est plus facile de voyage seul sans attache qu’avec un prêt à rembourser ou des enfants à éduquer mais cela ne rend en rien la chose impossible. Au cours de ces cinq mois, j’ai rencontré de jeunes parents, des retraités, des couples… J’ai aussi rencontré énormément de femmes qui voyagent seules. J’ai un grand respect et de l’admiration pour toutes ces personnes. Il faut par contre bien entendre que non, mon voyage n’est pas une chance, c’est une succession de choix que j’ai fait, outrepassant ma peur et me faisant quitter ma zone de confort.
À mon sens, un choix est toujours un sacrifice. J’ai laissé derrière moi certains sentiers pour emprunter le chemin qui me semblait le plus proche de me rendre heureux.
Voyage et écologie
Lors de mes rencontres quotidiennes, le sujet de la profession vient régulièrement se glisser dans la conversation. Les réactions quand je dis travailler dans le domaine du changement climatique sont assez variées. Si certaines personnes trouvent ça génial, elles n’osent pas en savoir plus. D’autres se sentent presque coupables ou s’empressent de se justifier sur certains de leurs choix. Cela d’autant plus quand je précise mes préférences pour le voyage que ce soit sur l’alimentation, le transport ou autre.
Même si je pense que ma manière de voyager se ressent à travers les billets narrant mon voyage sud-américain, j’ai envie de prendre un temps pour l’expliquer.
Avant même d’être sensibilisé au climat, j’ai pris plaisir dès mes premiers voyages en solitaire à découvrir une culture en prenant mon temps et en allant parler aux locaux voire en dormant chez eux grâce au Couchsurfing. C’est ainsi que j’ai appris à parler anglais et espagnol. J’ai aussi appris à accepter la peur et l’exposition à de nouvelles situations, chaque fois un peu plus loin de ma zone de confort. Avec le temps et plus de connaissances sur le sujet du climat, j’ai appris à adapter mon mode de vie (incluant les voyages) pour qu’il continue à me rendre heureux tout en restant cohérent avec les valeurs que je défends.
Rapport au changement climatique
Nul n’ignore le changement climatique dont nous connaissons seulement les prémices. Les Accords de Paris sont dans la bouche de chacun mais s’il s’agit d’expliquer comment rester en dessous des 2 degrés, peu ont la réponse. Au final, nous subissons un contexte quotidien anxiogène et le risque est de suffoquer face à ce tsunami permanent de mauvaises nouvelles et de menaces. La réaction que j’observe de plus en plus est de finir par faire l’autruche et de devenir totalement hermétique, faute de comprendre le problème et encore moins sa solution.
L’enjeu est simple : réduire notre impact carbone pour ralentir le réchauffement en cours et garder une planète vivable.
Souci de cohérence
L’idée n’a jamais été de revenir à la bougie comme certains cherchent à le faire croire mais bien de fonctionner autrement. Si la planète peut absorber une quantité limitée de CO2 annuellement, en la divisant par son nombre d’habitants, chacun obtient un quota à ne pas dépasser, sous peine de priver quelqu’un d’autre de faire la même chose. Mon raisonnement me pousse donc à limiter mon impact autant que possible. Je ne force personne à se comporter de la même manière. Dire aux autres ce qu’ils ont à faire ne fonctionne pas et ne m’intéresse pas. La meilleure façon me semble de donner l’exemple, montrer que c’est faisable tout en étant heureux, sans avoir à vivre dans une yourte coupé du monde.
Je rencontre quotidiennement des personnes informées cherchant à limiter leurs trajets en avion, à réduire leur consommation de viande, à éviter les plastiques, à ramasser les déchets sur leur chemin de randonnée, etc. Chaque action compte et a un impact. Chaque décision permet de rayonner sur d’autres personnes et de sensibiliser. Chacun tente de faire sa part avec ses moyens et sa façon de se rendre heureux.
D’autres en revanche ont le même niveau d’information mais ne se sentent pas concernés ou trouvent ce fameux confort à reporter la faute sur d’autres tout en savourant leur liberté à la définition bancale. L’exemple le plus flagrant est l’avion puisqu’il s’agit d’une façon très simple de réduire son impact personnel. Ne plus utiliser de paille en plastique mais prendre dix fois ou plus l’avion pour découvrir un pays ou faire un tour du monde précipité n’est pas équivalent.
Si faire un Paris – New York sur 5 jours n’est pas viable, la chance de vivre en Europe et d’avoir tant de choses à découvrir à proximité est à considérer. Et pourquoi ne pas se garder l’idée de New York pour un plus long voyage qui se savourera davantage ? Est-ce qu’une semaine dans un hôtel avec piscine et plage se doit d’être passée à l’autre bout du monde face aux richesses à savourer à proximité ? Si je surconsomme du carbone pour X raison, comment puis-je réduire mon impact autrement ?
Il me semble que la réponse à ce genre d’interrogation doit être un cheminement personnel propre à chacun.
Cela est, aujourd’hui, plus que nécessaire pour faire avancer les choses dans le bon sens plutôt que de les accélérer dans l’autre.
« On ne peut plus rien faire et de toute façon ce n’est pas moi qui vais faire changer les choses ! »
On me sortira très vite le fameux « oui mais la Chine est pire », « c’est au gouvernement d’agir », « Ne plus prendre l’avion ou la voiture, ne plus manger de viande, ne plus acheter neuf… Ras-le-bol, on ne peut plus rien faire ! » et bien d’autres phrases typiques qui ne servent que d’excuses pour rester dans son confort de peur de le perdre. Attention, ne me fait pas dire ce que je n’ai pas dit. Il est certain qu’il faut plus de courage au niveau national et international pour passer sur un nouveau modèle qui cesse de ne jurer que par le PIB. Et à se sentir juger, on montre les dents et on est tenté de ne rien faire. Parfait pour repousser le problème à plus tard.
Mon propos est que nous avons tous un rôle à jouer que ce soit pour nous ou les générations futures : à chacun sa porte d’entrée. Pour lui, ce sera la gestion des déchets. Pour elle, le transport. Au final, réduire son impact même un peu sera plus efficace que de ne rien faire. Inutile de viser la perfection, elle n’existe pas. Nous mangeons, nous nous déplaçons, nous générons des déchets et de la pollution. À ton mode de vie ta façon de participer.
Encore une fois, l’objectif de ce texte n’est pas de juger mais d’interroger. J’ai pris l’exemple de l’avion qui est le plus évident à démontrer mais ce que j’interroge est notre rapport à la consommation et à l’instantanéité. Je les fuis dans mon quotidien et dans mes voyages et je fuis les personnes qui en sont les représentants. Cela ne veut pas dire que je ne fais pas parti du problème. Je l’entends et je réagis autant que je peux.
Manque d’informations et de sensibilisation
Même si je trouve des exceptions, je pars du principe que tout le monde veut agir dans le bon sens et en a quelque chose à faire. La majorité du temps, il s’agit d’un manque d’informations.
Si en Amérique du Sud, j’ai très rarement parlé de ma vision de l’écologie et de ce que j’en sais, j’ai passé du temps à écouter les visions des locaux. Certains, des plus jeunes générations, font attention à ne pas jeter leurs déchets dans la rue et la conception du sujet se limite principalement à ce thème. Bien sûr la consommation ici n’est pas la même. Pas de chauffage dans les habitations, l’offre de mobilité est limitée, d’autres sujets priment comme la sécurité et la précarité. Je ne peux émettre aucun jugement sur le quotidien de chacun. C’est d’ailleurs parfois difficile quand on voit les passants jeter dans la rue leurs déchets, d’autant plus dans un contexte où les gouvernements tentent de sensibiliser avec quelques messages publicitaires souvent maladroits.
Mon absence de jugement s’arrête lorsque je visite un site naturel où les règles sont précisées par les guides et la signalisation. Un vieillard profitant de la plage avec sa petite-fille qui jette son mégot dans le sable, un jeune qui jette le sien dans la mer plutôt que dans le cendrier sur sa table, des familles qui franchissent la barrière pour aller toucher le glacier voué à disparaître dans les prochaines années voire en prendre un bout pour le souvenir et la photo Instagram… Ce n’est qu’un échantillon des situations vécues où je me suis permis de dire quelque chose. Si les règles sont claires et que la personne vient profiter d’un endroit, comment peut-elle se permettre d’accélérer sa destruction, sous prétexte qu’elle a pu le consommer ?
Il est évident qu’il faut une sensibilisation accrue dès le plus jeune âge et comprendre les enjeux, notamment son impact. Heureusement, les prémices s’en font sentir.
Découvrir et comprendre ton impact carbone
Il existe de nombreux simulateurs pour connaître son impact annuel. Si la consommation carbone d’une personne française tourne autour de 10-12 t CO2/an, l’objectif est de la réduire d’ici 2050 jusqu’à 2 t CO2/an ! Difficile mais possible. Elle se répartie de la manière suivante :
Pour connaître ton impact, je t’invite à te rendre sur NosGestesClimat. Tu pourras te rendre compte des efforts que tu fournis déjà et de tes possibilités d’amélioration.
Ton logement, ta manière de te déplacer, de manger, de t’habiller… Il faut voir à quel point nous avons bien plus de pouvoir que nous le pensons.
Mon cas
En analysant mon bilan carbone de vie sédentarisée, j’ai réduit ce que je pouvais et je suis descendu à 6,4 tonnes/an. Pour cela, j’ai appris à manger davantage local et de saison, à éviter l’avion, à opter pour d’autres solutions que l’autosolisme quand c’est possible, à meubler mon appartement avec de la seconde main, à me fournir en énergie verte, etc.
Bien sûr, tout est fait pour t’embrouiller et s’assurer que ta volonté de bien-faire rapporte un maximum à d’autres. L’exemple qui me vient tout de suite en tête est le solaire qui peut être à la fois très vertueux tout comme une catastrophe financière si le projet est mal conçu. Il faut donc toujours bien s’informer en amont et prendre son temps.
La distance parcourue de la France au Pérou (d’où j’écris ces lignes) devrait être d’environ 25 000 km. Si je ne faisais qu’un seul vol, sans escale de cette distance, j’émettrais 3,9 tonnes de CO2. En comparaison, à prendre uniquement le bus sur la même distance, l’émission serait cinq fois moins importante (0,8 t CO2). Je n’ose pas imaginer avec escales. Une raison suffisante à limiter mon utilisation de l’avion. Pourtant, me voilà à prendre l’avion pour les Galápagos. Faute d’avoir trouvé un bateau à voile pour le faire, j’ai opté pour la facilité. J’ai décidé de prendre un vol direct depuis Guayaquil plutôt que de partir de Quito avec une escale. J’ai aussi décidé de compenser mon impact carbone à mon retour de voyage.
Sur la même durée de voyage, tous secteurs confondus, je suis descendu à 7,4 t CO2/an n’ayant pas de logement chauffé et dormant en majorité dans des lieux collectifs ni de mobilier ou matériel numérique à renouveler. Mon impact majeur reste le transport (et secondairement la nourriture). Avec un vol France-Espagne-Colombie et un vol aux Galápagos, l’avion représente plus de 50% de mon impact total en projection annuelle (en comptant le retour).
J’espère que ta tête ne surchauffe pas après ce long article. Il est assez personnel et n’engage que ma vision du monde. Au final, il pourrait être résumé par la simple phrase suivante de Gandhi : sois le changement que tu veux voir dans le monde.