Jours 82 à 84 – Vendredi 15 à dimanche 17 juillet – Cali – Colombie
Mon séjour à la campagne et les rencontres que j’y ai fait m’ont vraiment redonné du souffle pour repartir à l’aventure. Mes premiers pas sur le sol de Cali s’accompagnent de ceux de Francisco qui me propose de me guider pour trouver mon auberge de jeunesse. En quelques instants, je reconnais cette personne bonne avec une aura apaisante. Je lui fais confiance et la suis. La troisième ville de Colombie mérite bien sa réputation d’avoir une atmosphère unique. La musique, la météo et l’architecture se combinent pour me présenter une autre facette du pays, celle de la côte Pacifique. Ce pan de culture est unique dans le pays par sa combinaison entre la culture préhispanique et africaine.
À peine arrivé dans mon hébergement, je me sens considéré et dans un petit paradis de quiétude. Ou pas. J’arrive sur recommandation dans cette auberge et me voilà dans un party hostel où on voit le touriste pour un portefeuille ambulant. Les autres voyageurs sont principalement là pour faire la fête jusqu’au bout de la nuit et boire. Pour sûr la promesse de nuits calmes et de toilettes propres. Je prends une heure à observer les itinéraires d’autres backpackers sur le Planificateur à contresens que j’utilise pour progresser sur mon voyage et je fais une liste exhaustive des étapes pour l’Équateur. Bien sûr sans voir de photos pour garder toute la surprise. Cela me donne une idée de l’itinéraire général que j’adapterai en écoutant les recommandations. La moitié des étapes sautera sûrement et une partie imprévue se rajoutera au fil de l’eau.
Après quelques heures en ville, je me rends à un free walking tour qui se transforme en visite privée puisque je me retrouve dans un groupe de… un ! C’est parti pour une petite dose d’histoire. Cali fut fondée en 1536 et se trouve être la 4e ville d’Amérique du Sud construite durant la colonisation. En effet, les Espagnols après avoir traversé le Panama sont descendus jusqu’à l’actuel Pérou et sont remontés jusqu’à ce lieu riche en terres fertiles et en or à proximité de la mer (l’équivalent d’une journée à cheval).
Dans le quartier historique les différentes architectures se confondent. L’architecture coloniale se reconnait facilement : des bâtiments sans étage avec une grande hauteur sous plafond et une toiture haute, des ouvertures simples et sans décorations ni figures, des murs épais faits de sables, de paille, de bouse de vache et de sang de taureau. Pour résister aux remontées capillaires et à la pluie, on prenait soin de brûler la base des murs.
Dans les années 1800, une période de libération laisse émerger le style républicain (republicana) avec des bâtiments à deux niveaux et des décorations sur les ouvertures et le niveau inférieur empêchant au passage l’infiltration de l’eau. L’inspiration française, italienne et espagnole sur des nombreux bâtiments ne peut m’empêcher de me faire sourire face à l’ironie de la situation : l’indépendance du pays et de sa culture est marquée par un hommage aux oppresseurs.
L’empire Inca s’étendait du Chili jusqu’au sud de la Colombie où je me trouve. On peut encore trouver des restes de canaux précolombiens faits de pierres lisses prélevées dans le lit des rivières. Cette merveille (par sa technique et l’effort nécessaire à sa création) fut remplacée par des canaux de briques sous la colonisation.
L’essor de la ville se doit à la culture de tabac des années 1930 aux années 1980 où le café prend le relai. Les mines de fer et d’autres matériaux à proximité sont sources de pollution pour la majorité des sept rivières qui traversent cette ville étendue. À la manière de Medellín, la ville sort doucement d’une ère de criminalité avec pour équivalent à Escobar la famille Rodriguez. Ses rues en restent dangereuses la nuit avec certains quartiers à éviter.
Ma visite en ville se limitera donc à certains lieux et à une grande prudence quand je fais le choix de me déplacer à pieds. La consommation de drogues étant monnaie courante ici, la municipalité a mis en place une zone de tolérance pour garder un contrôle sur les consommateurs. De jour, j’aurai le plaisir de découvrir l’un des marchés de Cali où je cherche à goûter des fruits dont j’ignore encore les saveurs. Je découvre également la cuisine de la côte riche en produits de la mer et bien trop quantitative pour mon estomac de voyageur. Après une visite du mirador aux pieds du Christo Rey dominant la ville que j’étais loin d’imaginer aussi grande, je me joins à un cour de salsa caleña (c’est-à-dire de Cali). Le rythme est beaucoup plus rapide que la salsa cubaine et portoricaine. Les passes sont néanmoins plus fractionnées et à petite portée. Sueur assurée.
La véritable identité de la capitale mondiale de la salsa se dévoile la nuit : les gens dansent dans la rue, dans les bars et dans les clubs. Au programme de mes nuits : découverte d’un quartier chic avec Juan Carlos, un ami d’Isabel et Mauricio ; participation à un évènement Couchsurfing pour découvrir des danses folkloriques ; avec Mabel et d’autres personnes, danse dans plusieurs clubs dont La Topa, réputé pour la salsa (original, non ?) ; sortie dans un quartier populaire réputé pour son parc où les habitants viennent boire un verre et pique-niquer en soirée ; concert de musique du Pacifique avec des costumes de couleurs et des instruments uniques… Tu l’auras compris, mes nuits à Cali seront rythmées et mes temps de sommeil écourtés.
Pensant quitter rapidement la ville après 48h pour me rendre sur la côte afin de voir les baleines (ce qui m’arrange vu que le lieu où je séjourne m’angoisse par la considération du touriste et la manière de consommer de ses invités), je me vois déconseillé de me rendre tard à Buenaventura dont l’insécurité dépasse celle de Cali. J’improvise donc une randonnée avec une association sportive colombienne en compagnie de Francisco que j’ai rencontré plus tôt. Heureux de le retrouver et de partager un moment de qualité à discuter et marcher ensemble, il m’invite finalement à passer la nuit chez sa maman pour partir à la première heure prendre un bus pour la côte. Ce dimanche passé en sa compagnie se concluant par une séance ciné (« Thor Love & Thunder » pour le curieux que tu es) et une bière au rosé (promis on avait pas vu) m’aura fait l’effet d’un soin après un rythme frénétique et plusieurs moments à m’agacer d’être pris pour un pigeon. À l’heure où j’écris ces lignes, je me rends compte que je suis loin d’être au bout de mes surprises.
Je conclus sur un fun fact avec la naissance de la salsa dont l’origine du terme est disputé. Fusion du jazz et d’autres genres, il semble que ce sont les exilés portoricains et cubains qui ont popularisé ce nouveau style musical dans les années 1950. Le terme pourrait venir du mélange des genres et des origines de ses créateurs ou tout simplement d’une expression pouvant faire allusion à « avoir la pêche », « avoir de l’énergie », « avoir la sauce » !