Jours 169 à 180 – Lundi 10 à vendredi 21 octobre 2022 – Cuzco, Palcoyo, Chinchero, Maras, Moray, Ollantaytambo, Pisac – Pérou
Le Rocher du hibou
À travers mes premiers pas dans l’ancienne capitale Inca, je me surprends à me sentir ému tant ce lieu est chargé d’histoire. Mon séjour sur Cuzco sera un doux mélange entre repos et visites. J’apprécie toujours autant prendre du temps pour décanter des aventures vécues, d’autant plus dans des cafés riches en pâtisseries françaises. Entre le tri des photos, la rédaction des articles et la mise en page, une ou deux journées par semaine serait nécessaire mais l’objectif d’atteindre la fin du monde avant la fin d’année serait compliqué à tenir.
La visite de la ville pourrait tourner autour de la découverte des nombreux musées qui la composent mais je me contenterai de me balader dans ses quartiers pavés à apprécier l’architecture et l’ambiance. Je m’y permettrai quelques folies gustatives (coucou la raclette péruvienne et le couscous à l’alpaga) en bonne compagnie et j’irai même prendre un cour de salsa péruvienne (certes, le cour le plus bordélique de ma vie) rythmé par bien trop de pisco sour… !
Perchée à 3400 mètres d’altitude, la ville tient son nom d’une légende inca où le dieu Ayar Auca aurait survolé l’endroit pour se poser sur un rocher de la région et s’y pétrifier pour marquer l’occupation du territoire (plus impressionnant qu’un drapeau, non ?). Capitale inca fondée vers le XIe siècle, on trouve encore aujourd’hui de nombreux vestiges de la civilisation. Pendant un temps, elle a perdu de son importance avant la découverte du Machu Picchu qui a relancé l’attrait pour la région et pour les peuples indigènes du pays, longtemps dénigrés.
Au XXe siècle, ce nouveau centre névralgique du tourisme alimente les pensées d’intellectuels et politiques luttant notamment pour les droits indigènes.
À la frontière de la cité, de nombreuses ruines sont encore visitables comme la forteresse de Sacsayhuamán où se déroule annuellement la fête du Soleil rassemblant des milliers de personnes. On trouve aussi le labyrinthe de Qenko servant à la momification et le traitement des corps avec la fraîcheur des pierres et du sol ; le poste de garde de Puca Pucará dont le rouge des pierres s’exprime à la tombée du jour ; la station balnéaire de l’Inca, Tambomachay…
L’héritage inca ne se limite pas à sa capitale. Toute la région renferme encore de nombreux trésors dont j’obtiendrai un échantillon durant mon séjour.
Ma première escapade sera en compagnie de Thibault et Romane pour aller visiter Palcoyo dont trois montagnes sont réputées pour leur panel de couleurs impressionnant par sa diversité. À presque 5000 mètres d’altitude, le panorama est littéralement à couper le souffle. L’arrière-plan qu’offre les glaciers, les alentours enrichis par la forêt de pierres et l’absence totale d’autres touristes offrent une expérience unique et savoureuse qui restera gravée sur la rétine pour un bon moment.
La Vallée Sacrée
Mes premiers pas dans la Vallée Sacrée appréciée par les incas pour ses qualités climatiques et géographiques. Je me rends en premier lieu dans le village de Chinchero réputé pour son artisanat et son art textile. À une altitude avoisinant les 3000 mètres, l’agriculture locale se concentrait sur la production de quinoa, de pommes de terre et d’autres tubercules. De nombreuses terrasses incas sont visibles à proximité de l’ancien palais de l’Inca Tupas Yupanki. Mon étape sera marquée par les explications d’un collectif sur le tissage de la laine de lama et l’achat bien trop impulsif d’un plaid pour les nuits froides des bus. Bon, clairement, c’est devenu mon doudou. Je voudrais bien t’y voir à résister à tout achat depuis six mois.
Pour laver la laine, les femmes utilisent une racine (sachaparakay) qu’elles râpent et mélangent avec de l’eau (c’est aussi un shampoing naturel). Après filtrage, on lave la laine deux à trois fois puis on l’effile avant de la colorer avec de nombreux colorants naturels comme la cochenille qu’on trouve en abondance dans le cactus. Chaque femme de cette communauté travaille 5-6h par jour et chaque motif a une signification.
À proximité se trouvent les salines de Maras exploitées depuis de nombreuses années par des familles locales. On compte près de 3000 puits au total aujourd’hui et le nombre continue de croître. Chaque propriétaire en compte entre 10 à 50. Trois tonalités se remarquent et contiennent un produit différent : fleur de sel, sel pour la viande et sel médicinal.
S’ensuit la découverte du centre de recherches et d’expérimentations agricoles Inca de Moray. Composées d’anneaux concentriques sur une dizaine de niveaux, les terrasses sont accessibles via des escaliers de pierre incrustées dans les murs et alimentées par des canaux d’irrigation. La disposition en étage a d’ailleurs permis la création de microclimats créant une différence de température de plusieurs degrés permettant l’exploitation de nombreuses plantes qu’elles soient issues de la jungle, des Andes ou de la côte. Le site permettait certainement la production de semences pour d’autres régions.
Je prends toute une journée pour découvrir le village de Pisac dont le marché et la messe en quechua seront de belles surprises. La majeure partie de mon exploration néanmoins sera dédiée à parcourir le site archéologique inca surplombant la ville. Équipé de terrasses agricoles, on trouve au sommet de nombreuses constructions militaires, religieuses et agricoles. Sur la falaise voisine, j’aperçois de nombreuses cavités et j’identifie rapidement des tombes très sûrement toutes pillées avant leur découverte officielle. La raideur de ce flanc de montagne m’impressionne et je n’ai aucune idée de comment les villageois pouvaient se rendre dans pareil endroit.
Dernière destination avec la ville de pierres, Ollantaytambo. Sa forteresse marque la limite nord de la vallée là où Pisac en marque la limite est. Lieu de résistance face aux Espagnols, son village restera un lieu plein de magie malgré le tourisme indiscret qui l’anime en journée. Après la chute de Cuzco, Manco Inca, le fils de l’Empereur, y organisera la rébellion. Ses murailles, ses étages et ses restes de cité urbaine, si rares, rendent le parcours du site impressionnant.
Nouvelle épreuve
Depuis plusieurs semaines, je sens qu’il m’est difficile de rester aussi actif. L’énergie nécessaire pour tous ces déplacements entre les destinations et sur place est conséquente et j’attends impatiemment depuis des mois de trouver un lieu reculé où je me sentirais en paix et dans une solitude exclusive pour une semaine. L’organisation nécessaire pour arriver d’ici le 15 décembre à Ushuaïa me force à accélérer le rythme et à passer quelques étapes qu’avec plus de temps j’aurais pris plaisir à faire.
Pour atteindre le Machu Picchu, je souhaite parcourir le trek de Salkantay d’une durée de 5 jours en autonomie avec Thibault, Romane, Alexandre et son compagnon Robert ainsi que Nicolas et Alexandra, un couple belge fort sympathique rencontré à Quito durant la Gay Pride.
La vie en décidera autrement puisque la veille du départ, Nicolas fera une rupture d’anévrisme à la suite d’un œdème cérébral dû à l’altitude pourtant passé inaperçu le jour J à l’hôpital de Cuzco où il s’est rendu pour comprendre la raison de ses maux. Malgré les premiers soins reçus sur le moment, il décèdera dans la soirée. J’ai longtemps hésité à évoquer le sujet mais par respect, il me semblait important de ne pas l’occulter et faire comme si tout était parfait. Même si nous ne nous connaissions pas beaucoup, vivre la mort d’un compagnon de voyage à pareille proximité et d’autant plus de cet âge avec une aussi belle énergie, est une claque dans la gueule et un coup de poing dans l’estomac d’une violence rare.
Ce drame nous ébranlera tous. Pour la deuxième fois, je côtoie la Faucheuse en quelques semaines et j’ai besoin de me mettre dans ma bulle pour comprendre et digérer. Si je me sentais prêt à accueillir la mort dans ma philosophie quotidienne de vivre heureux chaque jour avant le voyage, je me surprends aujourd’hui à la rejeter, souhaitant poursuivre mon odyssée et désireux d’en découvrir les prochaines surprises. Aussi, je prends peur à infliger pareille douleur à mes proches malgré la demande formulée avant le départ de ne pas se sentir triste pour moi s’il m’arrivait malheur, ayant suivi mes envies jusqu’au bout. Les accidents arrivent comme c’est le cas ici et il ne semble pas qu’autre chose aurait pu être fait pour l’éviter en y regardant de plus près. Bref, je continuerai de faire attention autant que possible…
Je prends donc trois jours pour trouver refuge chez un Couchsurfer m’offrant l’intimité recherchée après l’impolitesse et l’incivilité des voyageurs de courte durée rencontrés dans l’auberge de jeunesse où je séjournais.
Ma rencontre avec Adam qui a vécu plusieurs vies d’aventure et a trouvé la paix en quittant les États-Unis pour vivre au Pérou serait une vraie respiration. M’offrant le temps que je souhaite pour me retrouver, je partagerai une excellente soirée avec lui et son autre invité, Maurice, à retracer les origines de l’univers et à partager nos aventures respectives.
Vendredi 21 octobre, il est temps de se diriger vers la jungle péruvienne pour atteindre le village au pied du Machu Picchu. Pour m’y rendre, je retrouve mon groupe de français préféré. Alexandra est rentrée en Belgique pour retrouver sa famille et ses amis. Je profite de cet article pour lui souhaiter encore une fois avec beaucoup d’amour tout le meilleur, rassuré de la savoir bien entourée.
Je conclus cet article sur cette note plus douce avec un défilé d’enfants rencontré au hasard de mon errance dans les ruelles de Cuzco où l’héritage inca fut à l’honneur.
Merci de nous partager ton voyage.
Bisous
Sophie