Jours 265 à 269 – lundi 12 au vendredi 16 juin 2023 – Uxmal, Merida, Chichén-Itzá, Valladolid, Tulum – Mexique
Alors voilà, un Soleil rouge qui sort de bon matin tandis que mes paupières peinent encore à se décoller. Il est 6h quand le bus qu’on appelle ici de seconde classe -car il fait autant d’arrêts qu’il y a de moustiques dans cette carcasse métallique à quatre roues- commence son itinéraire. Vite rempli à ras-bord au point d’en rendre nos piqueurs obèses, je sors d’une courte sieste bienvenue après une nuit dans un hamac pour voir sur ma carte que le conducteur de bus vient de passer mon point de largage.
En pleine torpeur, je me précipite vers le chauffeur qui me lâche 2 km au nord des ruines que je viens visiter. Un autre jeune homme venu vivre la même aventure descend au passage et c’est ainsi que je fais la rencontre de Saverio, un italien tout élégant parlant un français impeccable.
En parcourant le bitume sous un soleil déjà bien trop écrasant à mon goût, j’apprends qu’il travaillait dans une ONG et qu’il remplaçait une personne que j’ai rencontré durant mes études. J’avais même songé à candidater pour travailler dans cette structure basée sur Marseille. Décidément, les coïncidences de voyage m’étonneront toujours.
La jungle sèche autour de nous est un petit paradis pour les iguanes qui se dorent la pilule depuis les abords des sentiers d’accès aux ruines mayas de Uxmal. Cette cité faisait partie d’un domaine des plus fleurissants de la civilisation maya entre le 7e et le 10e siècle. On retrouve dans cette capitale régionale un style unique à savoir El Puuc (du même nom que l’ensemble de collines à proximité). Elle se distingue par des longues façades symétriques constituées de pierres finement taillées et encastrées avant d’être recouvertes de stuc et d’une peinture richement colorée (aujourd’hui partis).
Sans cenotes (cavités naturelles à ciel ouvert remplies totalement ou partiellement d’eau) à proximité -contrairement au peuple Itzáes plus au nord ayant pour capitale Chichén-Itzá que je visiterai quelques jours plus tard-, la région était fortement dépendante de la pluie. Des citernes creusées sous les plate-formes ont donc été construites et le culte se tournait naturellement vers des divinités agricoles dont faisait notamment parti le célèbre Chaac, dieu de la pluie, observé déjà à Teotihuacán près de la capitale mexicaine.
Accueillis dès l’entrée par la pyramide du Devin aux bords arrondis, le nom du site prend alors tout son sens. Uxmal, « trois fois construite », a connu différentes occupations au fil des siècles et ce premier édifice contient deux autres pyramides. Les conditions pour ériger une nouvelle structure au-dessus de la précédente étaient variables (un nouveau règne, un nouveau cycle de 52 ans qui commençait…) mais il était interdit de toucher la structure précédente considérée sacrée.
Émerveillé par la richesse des détails du site, j’ai en plus l’agréable surprise de profiter de la visite en compagnie de nombreuses hirondelles, chauves-souris et même plusieurs couples de motmot houtouc (alors que j’ai lutté une semaine pour observer mon premier en Colombie). Comptant jusqu’à 25 000 habitants sur 8 km² à son heure de gloire, chaque bâtiment offre un nouveau point de vue sur le site et me régale de ses décorations.
Arrivant à peiner un guide donnant un tour réglé comme un coucou suisse à un groupe d’américains, Saverio et moi sommes embarqué pour repartir jusqu’à Mérida. L’heure de trajet ne suffira pas à sécher nos habits trempés et salés malgré une climatisation à s’en faire pointer les tétons.
La proximité du site fraîchement visité avec Cancún nous a annoncé l’entrée dans une zone fortement touristique. Le prix d’entrée était le double de toutes les autres ruines jusqu’ici visitées. La concentration de touristes augmente à l’arrivée dans la ville de Mérida. Mon séjour me servira à reposer mon corps, prendre le temps de faire des recherches, d’écrire et de découvrir l’ambiance de la ville. Tout cela en profitant de l’absence de transports. Je resterais surtout marqué par une cantina offrant un concert de salsa et d’autres rythmes musicaux locaux dans un cadre authentique.
Évidemment, je me dois d’évoquer être dans le rayon d’impact d’un astéroïde bien fameux s’étant abattu sur la Terre il y a 66 millions d’années. D’un diamètre de 177 km, l’épicentre du cratère se trouve à quelques kilomètres au nord de ma position dans les eaux côtières du Golfe du Mexique. Le cratère de Chicxulub n’est donc pas visible à l’œil nu mais laisse songeur face à la puissance du choc équivalent à plusieurs milliards de fois celle de la bombe Hiroshima. La moitié du bassin du cratère s’étend sous la terre ferme, tout recouvert par mille mètres de calcaire.
Personnellement, je me serais bien vu avec pour monture un parasaurolophus dont je prendrais grand soin mais le sort en a décidé autrement. J’aurais tout de même appris une chose curieuse à travers mes recherches sur ce cratère. Un forage effectué en 2016 aura dévoilé que la vie réapparue dans cette zone en seulement quelques années tandis que progressait l’extinction de masse sur le reste du globe. En moins de 30 000 ans, c’est tout un écosystème qui y prospérait tandis que les alentours du Golfe ont eu besoin de dix fois cette durée pour présenter pareille diversification. Tu pourras clairement te la raconter à ton prochain dîner de famille maintenant.
On repart pour des ruines ? Allez, direction l’une des sept merveilles du monde moderne. Si l’entrée et le coût d’accès me donnent la sensation d’être bien plus pigeon que Mouette, je serai malgré tout conquis par la beauté du site (après avoir échappé à la foule qui commençait à me faire monter une sacrée angoisse).
Considéré le plus impressionnant et le mieux conservé des sites du Yucatán, Chichén-Itzá ne peut pas laisser indifférent. Si l’ensemble du site n’est pas visitable, le parcourir prend tout de même plusieurs heures. On peut d’ailleurs observer des ouvriers tentant de reconstituer quelques structures et mêmes des routes délimitées par des pierres taillées et superposées pour un ensemble esthétique.
Face à sa popularité, ce site archéologique autorise à contre-courant des autres les étals d’artisanat ce qui rend la concurrence bien rude pour les vendeurs qui n’hésitent pas à accepter les dollars américains et CB tout en proposant aux masses passantes des prix affolants.
L’émergence de cette puissante métropole aux traits toltèques à la fin de la période classique vient bouleverser l’équilibre de cette région maya. Si l’histoire de cette cité des Itzáes suscite plus d’interrogations qu’elle n’apporte de réponses, un consensus émerge quant à son abandon dans les années 1200. Peut-être suite aux assauts d’Uxmal.
Longtemps pensé de périodes successives, il a été admis aujourd’hui que deux styles cohabitent dans les constructions. En effet, le mélange de l’architecture Puuc (maya) avec ses décorations en mosaïque de pierre et ses masques au long nez se retrouve conjugué avec le style toltèque (jeux de colonnes, banquettes sculptées, pyramide de plan carré, sculptures à la goire de la guerre et du culte solaire).
La pièce maîtresse des lieux reste le temple en l’honneur de Kukulkán (le serpent à plumes) dont l’harmonie dans ses dimensions et sa symétrie rendent admiratif. Les escaliers sur ses quatre flancs ainsi que la plateforme donnent un total de 365 marches. Honorant l’astre solaire, le soleil couchant projette aux équinoxes sur la rampe de l’escalier nord l’ombre de l’angle du bâtiment sous forme de serpent ondulant dont la tête est sculptée en contrebas. La divinité descend ainsi deux fois par an féconder la terre au moment des semences (printemps) et annoncer le temps des récoltes (automne).
Au nord, le Cenote Sagrado (cenote sacré) impressionne quand on sait que des corps ou des os y étaient jetés par rituels. Ces formations géologiques étaient pour les mayas une porte d’entrée vers l’inframonde et les offrandes un moyen de contenter leurs terrifiantes divinités. On y retrouvera des objets en provenance du sud des États-Unis et de la Colombie. Cela donne une idée de la renommée du lieu.
Le jeu de balle est le plus grand de Méso-Amérique et suscite l’admiration par ses deux serpents le long du terrain, ses représentations sur les bas-reliefs rappelant la violence des jeux mais surtout par les temples qui l’entourent ou le dominent.
Le site continue de se gorger de monde et il est temps de partir de ce Disneyland mexicain malgré l’envie de profiter un peu plus de sa beauté. Sur le chemin jusqu’à Valladolid et avant de repartir en stop, je m’arrête avec Saverio dans un cenote pour aller piquer une tête (après la description précédente, qui résisterait à piquer une tête dans une puits probablement plein de squelettes mayas) ?
Après un bref passage à Valladolid où je loge chez la grand-mère de mon hôte Couchsurfing suite à un souci d’organisation, je me rends à Tulum malgré mon envie folle d’éviter cette ville connue pour son ambiance de fête. La raison est que je patiente pour obtenir le feu vert pour une expédition en mer afin d’aller nager avec les requins-baleines. Les eaux sont agitées et la garde-côte ne donne pas le feu vert pour un quelconque départ avec plusieurs jours.
Agité face à une ambiance qui ne me convient pas, je fais quelques rencontres qui m’aident à faire passer le temps. Je me rends à un autre cenote avec Justine et assiste à un concert de jazz avec Karina.
Je suis reconnaissant pour ces rencontres qui me permettent de mieux vivre mon premier moment de blues du voyage. Effectivement, quand on n’est pas à sa place, l’agitation de l’esprit et les idées noires peuvent vite prendre le dessus -surtout en voyage et encore plus si on refuse d’écouter-.
L’ambiance alcoolisée des festivités et la rencontre d’une jeune femme tout juste battue par son compagnon jusqu’au sang (chose bien trop commune encore) m’auront pris une énergie vitale que je n’avais pas (je remercie néanmoins mes dernières lectures pour m’avoir donné une once d’idées de comment réagir en espérant avoir fait de mon mieux). Aussi, plutôt que de patienter davantage dans cet environnement excessif, je prends la décision de me sortir de là et me rends à ma dernière étape mexicaine, Bacalar.