Jours 116 à 121 – Jeudi 18 à mardi 23 août – Guayaquil, Balzapamba – Équateur
« C’est une hérésie » m’aurait crié la majorité des équatoriens en annonçant que je vais passer un peu moins d’une semaine à Guayaquil. La ville la plus peuplée du pays est considérée également comme la plus dangereuse. Les touristes se doivent de rester parqués dans une zone très limitée. Si à Quito dans les Andes, tout le monde te rappelle qu’il ne faut pas prendre les transports publics ni sortir la nuit tombée, il est impossible de résumer toutes les mises en garde pour cette ville côtière de 2 millions d’habitants. L’actualité renforce ce sentiment avec un attentat sur fond de règlement de comptes entre gangs, quelques jours avant mon arrivée.
Maintenant que tu es conditionné tout comme moi, tu sais aussi bien que la plupart des grandes villes ont plus de raisons d’avoir un taux de criminalité que le joli village de Montrottier dans la campagne lyonnaise. À travers les hasards du voyage, je discute avec Carla qui vit sur place et souhaite me donner une autre vision de Guayaquil. Avenante et concourant pour le prix de la meilleure hôte 2022, elle se débrouille pour me trouver des plans chez ses amis et me dégoter deux Airbnb pour que je puisse garder de l’intimité et me mettre dans ma bulle comme j’ai envie de le faire pour écrire et continuer de préparer mon départ pour les Galápagos.
À peine arrivé au terminal, c’est un taxi privé qui vient me chercher, les “normaux” ainsi qu’Uber n’étant pas fiables. Il m’emmène dans un quartier privé sécurisé avec portail à l’entrée pour s’identifier. J’ai l’impression d’atterrir dans un autre univers. En fin de journée, je fais la rencontre de ma bienfaitrice avec qui je propose d’aller manger si possible dans une petite enseigne locale. C’est avec cette précision que j’ai la chance de goûter mon premier Burger King.
Vendredi 19 août, je l’accompagne à un RDV professionnel avant d’aller visiter le musée du cacao. Un peu plus tard, nous voilà dans le lieu le plus huppé que j’ai pu fréquenter sur ce voyage. Il s’agit d’un salon dont je n’ai toujours pas compris le thème. Dégustation de vins et chanteuse de jazz d’un côté, présentations de produits variés de l’autre : carrelage, vitres blindées, voitures de luxes, excursions… Après quelques verres, c’est parti pour visiter la plaza Lagos à l’architecture impressionnante abritant un marché éphémère sans oublier d’enchaîner avec la visite d’une brasserie locale.
Me remettant à peine de toutes ces visites, nous partons le lendemain matin pour Balzapamba avec un couple d’amis où nous attend une location au pied de la Cordillère. Tout juste arrivés, nous voilà attaquant une randonnée jusqu’à une cascade où il faut réussir à remonter la rivière jusqu’au pied d’une chute d’eau à l’aide d’une corde. Le débit est tel qu’il serait facile de se noyer par endroits. Au retour, je croise un joli serpent bien timide (pas de photo cette fois, désolé) et mon fessier fait une bise au sol sur quelques mètres, la promesse d’un beau bleu (pas de photo cette fois, désolé²).
Le reste du week-end sera riche en méditation, échanges, parties de jeux de société dont un UNO avec des règles… équatoriennes ? Je m’amuserai à reproduire l’expérience que j’ai tenté en Amazonie à Shandria d’aller chercher les serpents la nuit dans les arbres avec ma frontale mais sans succès. Je tomberai en revanche sur d’innombrables et magnifiques araignées de la taille de ma paume dont les yeux luisent à la nuit tombée.
Dimanche soir à notre retour, je m’apprête à vivre une expérience inédite à laquelle j’ai dit oui sans trop chercher à la comprendre. Le temazcal est une cérémonie de purification. Il reconstitue le ventre de la mère. Sombre, exiguë, empli de vapeur, il permet d’oublier les nuisances extérieures et de vivre sa propre renaissance. En plus des bienfaits physiques, le permet ici de se purifier spirituellement. Le chaman, maître de cérémonie, entraîne le groupe à l’aide d’explications, de chants et de musiques qui permettent de rentrer dans une sorte de transe. Dans cette hutte plongée dans le noir, des herbes médicinales seront jetées sur les pierres volcaniques incandescentes ainsi que de l’eau pour augmenter la chaleur via la vapeur. La durée de la cérémonie est d’environ une heure avec quatre temps pour les 4 éléments.
Avant de commencer, il est proposé la prise de tabac râpé dans le nez, sans les substances nocives de la cigarette. Dans ce cadre rituel, l’objectif est purificateur et spirituel en nettoyant la glande pinéale. N’étant pas une drogue, je décide d’accepter la proposition. Ma réaction est similaire au reste du groupe : les larmes coulent, j’ai l’impression d’avoir sniffé de la muscade, je tousse et je passe une partie de mon temps à cracher et à me moucher. Maso, j’y passe une seconde fois et me voilà étourdi avec une nausée grandissante.
Souffrant, je dois maintenant rentrer dans la hutte. Hésitant, me voilà néanmoins plongé dans le noir absolu à écouter les paroles du chaman. La musique et les chants assourdissants m’amuse un instant en prenant du recul sur ma situation. Néanmoins, la chaleur et les effets du tabac déclenchent une lutte mentale encore inédite chez moi. Par quelques pensées, je tente de gagner du temps face à mon besoin presque vital de sortir. Assis dans le sable, ma main s’échappe sous les toiles de l’habitation pour y chercher la fraîcheur de la nuit tombante. Enfin, la porte est ouverte pour changer les pierres et passer au deuxième élément. Je décide de rester encore un peu. Pourtant, cette nouvelle session me mettra au sol. Je me sentirai à l’agonie, incapable de bouger un muscle. Je continue de mener mon combat mental qui me prend tellement d’énergie que je suis incapable de formuler des pensées pour me recentrer et me concentrer. Il me semble impossible de rester pour les deux derniers temps mais je réussirai à ne pas sortir et terminer la cérémonie qui s’avérera à ma grande surprise plus facile.
Si je garde pour moi les interrogations que j’ai formulé avant la cérémonie, je peux avouer être rempli d’interrogations et notamment spirituelles. Durant ce voyage, j’espère bien déconstruire mes croyances et autres vérités enseignées. Je veux croire ce que j’ai envie et non ce qu’on m’a appris à croire.
Une seule image m’est apparue durant la cérémonie, celle d’un crotale. Sa lecture avec l’assistance du chaman restera personnelle et tant pis pour ta curiosité !
Les jours suivants, je continue de découvrir la ville avec Carla notamment à travers le téléphérique qui la traverse. J’irai même dans une salle de cinéma très chic pour savourer le délicieux « Bullet train » dans des fauteuils VIP. Mon hôte, consacrée hôte de l’année, m’invitera même à une séance de soin sonore appelée cuencos à travers des bols en cristaux. Cela se conclura avec un feu sacré consistant à se montrer reconnaissant pour de multiples choses à travers une prière à l’heure exacte du coucher du Soleil.
La nuit tombe, mon sac est prêt pour partir aux Galápagos le lendemain. Mon expérience de cette ville à la mauvaise réputation ne m’aura pas condamné au sort qui m’était promis et j’en garde un bon souvenir. Cela ne veut pas pour autant dire que j’en oublie le facteur chance et les précautions prises. Mercredi 24 août, Carla me dépose à l’aéroport pour l’exception de mon voyage : découvrir cet archipel dont j’ai tant entendu parler…