Les grandes bleues

Jours 85 à 87 – Lundi 18 à mercredi 20 juillet – Buenaventura, Juanchaco, Ipiales – Colombie

Le sommeil est encore une fois partie remise. Je quitte Francisco à l’aube au terminal de bus de Cali, les yeux collés mais surtout le ventre noué de dire au revoir à cette belle personne. Arrivé sur la côte après quelques heures, je patiente au port de Buenaventura avec un petit-déjeuner typique de riz, salade, plantain et poulet accompagné d’un café.

Buenaventura

Mon embarcation est prête et me voilà pour la première fois sur les eaux du Pacifique pour atteindre un village à une heure de bateau. Je suis ici pour une seule raison : la présence de baleines.

On se met dans l’ambiance ?

Ayant conscience du danger que peut représenter les déviances du tourisme autour de ces animaux (distance de sécurité non respectée, vitesse de déplacement à proximité…), je cherche à trouver une société qui respecte toutes les conditions pour ne pas les stresser. Enceintes, elles remontent des eaux froides de la Patagonie pour donner la vie à quelques kilomètres des côtes péruviennes, équatoriennes et colombiennes. Après quelques mois, elles repartent avec leur petit suffisamment fort pour survivre à un tel périple de 8 000 km. Aussi, je compare les différentes propositions une fois sur place. Peu facile face à la sollicitation musclée des touristes, hélés dans la rue et où on va répondre « oui, oui » aux questions sans trop réfléchir.

Le climat chaud et l’ambiance ne me plaisent pas. Aussi, je fais le pari de tenir mon programme dans une seule journée et d’atteindre dans la nuit ma dernière étape colombienne à la frontière avec l’Équateur. Le tourisme autour de ces baleines est essentiel pour ce village et on m’informe qu’on fait tout pour les préserver. J’ai pu voir que de nombreuses fêtes étaient organisées pour célébrer leur arrivée et leur départ mais quid de la réalité ? Suite à une discussion aussi floue que possible où on m’assure que les cétacés sont respectés et en sécurité, je conclus que je suis limité pour le découvrir à l’avance. Les échanges que j’ai eu avec d’autres voyageurs auparavant semblent néanmoins suffisamment rassurants pour que je me permette de tenter l’aventure. Sur le quai, je suis conforté de voir que l’embarcation ne comporte qu’une douzaine d’individus et qu’au total il n’y a « que » 3-4 bateaux de même taille qui font du tourisme baleinier.

Juanchaco

Si jamais tu es tenté de faire l’expérience, il faut savoir que ces géants des mers sont sensibles au bruit des bateaux (ils peuvent entendre des sons à plusieurs kilomètres). Aussi, le stress peut engendrer une forte mortalité fœtale (ici, surtout sur juin où les baleines donnent la vie). Enfin, une mère avec son petit peut s’avérer protectrice. Pour éviter de perturber ce que l’on est venu admirer, il faut donc respecter un minimum de consignes :

  • Garder une distance minimale de 100 mètres (le double s’il y a un baleineau)
  • S’approcher en diagonal, d’une vitesse maximum de 4 km/h
  • Éviter de suivre un groupe d’individus trop longtemps et de changer brusquement de direction
  • Et d’autres évidences : ne pas aller à l’eau, ne rien jeter, ne pas crier, etc.
Ce qu’il faut imaginer qu’il se passe sous l’eau (ais-je vraiment besoin de préciser que la photo n’est pas de moi ?)

Durant le trajet pour aller à la rencontre des baleines à bosse, on nous explique le comportement à avoir et la vie de ces animaux. Les adultes mesurent 14-18 m pour un poids entre 30 et 40 tonnes et une durée de vie de 40-60 ans. Les femelles mettent bas généralement tous les 2-3 ans. Après 11 mois de gestation, les petits font à la naissance 4-5 m pour 0,7-1,5 tonne. Ils resteront un an maternés et peuvent suivre la mère plusieurs années. Pour nourrir sa progéniture, la mère expulse du lait sous son ventre une fois que le baleineau est positionné. Si l’adulte peut retenir sa respiration 45 minutes, le bébé ne peut le faire que 5 minutes et c’est la raison pour laquelle il est facile de les observer durant cette période de trois mois (juillet-septembre). De nombreux mâles se défient également pour séduire une femelle. Ils paradent en sautant ou en frappant la queue à la surface de l’eau pendant plusieurs heures.

Si c’est une femelle qui saute, c’est soit pour éloigner un mâle de son petit ou pour se muscler avant d’entreprendre le voyage pour la Patagonie en octobre. Se nourrissant uniquement dans les eaux froides, l’aller lui fait perdre 25% de son poids. Avec une vitesse moyenne de 8 km/h, elle peut avoir des accélérations jusqu’à plus de 30 km/h. En partant du sud en mars, elles arrivent dans les eaux tropicales courant mai-juin. Si tu veux en savoir plus, regarde Arte ou prend un livre, non mais.

Le spectacle est unique et rend humble. Les jets d’eau se dévoilent enfin avant de voir une première nageoire dorsale et la queue. Cela engendre une frustration immense de ne pas pouvoir apprécier l’intégralité du corps de ces divinités de la mer. Avec l’excitation d’un petit garçon un matin de Noël, je guette tout autour du bateau si je n’aperçois pas d’autres présents. L’exploration dure plus d’une heure à approcher de petits groupes d’individus. La poésie de voir une mère et sa progéniture se déplacer ensemble est inédite à mes yeux. Mon seul regret sera la proximité non respectée puisqu’au lieu des 100 à 200 m, nous les approcherons parfois à moins de 40 m avec l’aide du moteur (parfois 20 m mais en se laissant dériver moteur éteint mais en augmentant le risque de collision).

On peut voir ici que nos embarcations sont proches même moteur en neutre

Me remettant de mes émotions, je prends une embarcation pour retourner à Buenaventura. Me voilà en fin de journée dans un bus nocturne pour atteindre la dernière ville avant la frontière équatorienne. Mardi 19 juillet, j’arrive donc à Ipiales où le rythme frénétique de Cali et l’aventure baleinière m’ont épuisé. Un lit et une douche rien que pour moi, me voilà à nouveau le plus heureux des hommes.

Reposé, après un soupçon de tourisme, je prends un taxi à l’aube pour passer la frontière et me lancer à la découverte d’un nouveau pays. L’émotion est présente. Après 88 jours à découvrir la Colombie du nord au sud, tant de rencontres et de paysages, tant de belles surprises et parfois des mésaventures qui font partie de l’expérience, je foule les pieds d’un pays dont j’ignore tout.

Gracias Colombia!

Comments

  1. Mimi et Athé

    Que d’émotions avec ces baleines ! C’est incroyable !
    On a hâte de découvrir tes aventures équatoriennes parce qu’on commençait à en avoir marre de la Colombie lol
    (on rigole bien sûr mais quand même c’est bien aussi les tortues)

    1. J’espère que vous serez satisfaite avec le dernier article sur Puerto Lopez alors :)-

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *