Jusqu’ici, tout va bien

Jours 308 à 322 – mardi 25 juillet à mardi 8 août 2023 – Tegucigalpa, Comayagua, Agua Azul Sierra, Los Naranjos, La Ceiba, Utila, Tela, San Pedro Sula, El Paraíso – Honduras

Ma musique “mémoire” du lieu, à écouter durant ta lecture si le cœur t’en dit !

L’arrivée au Honduras est une épreuve car le matin même, un appel reçu a fait l’effet d’une bombe. La santé de ma maman se dégrade et aucune autre solution médicale ne peut être envisagée. Face à cette condamnation, les interrogations me submergent et les échanges avec mes proches s’enchaînent. Je tente d’identifier mes options et de digérer cette information. La situation fait écho à celle de fin novembre 2022 : faut-il rentrer ?

Si la première fois, je n’étais pas capable de continuer le voyage sereinement, je sens que cette fois la boule au ventre resterait à rentrer en urgence pour finalement attendre. L’envie partagée d’échanger encore plus quotidiennement sur mon périple et de faire voyager l’esprit sera donc la solution en attendant mon retour.

La sensation sur le moment d’être aussi isolé que Tom Hanks dans “Seul au monde”.

Mon trajet jusqu’à Comayagua est une aventure dont je me serais bien passé. Alors que seulement 157 km de route la sépare de La Unión, il me faut déjà prendre trois bus pour atteindre la frontière puis patienter 2h pour valider mon entrée dans le pays. En sortant du poste de contrôle, impossible de trouver un bus direct. Je dois faire un grand détour dans la région et monter d’abord jusqu’à la capitale, Tegucigalpa.

1€ équivaut à 26 lempiras, la monnaie du Honduras.

J’ai dû mal à comprendre l’accent et j’ai peu d’énergie alors je m’abandonne sans trop savoir où je vais atterrir en fin de journée. Je termine dans un bus de nuit qui coûte le double du ticket normal en raison d’être le dernier bus de la journée. Je tente de négocier, peu enclin à me faire pigeonner mais c’est a priori commun ici.

On continue avec les fameux “chicken bus”.

Fait étrange, dans ce pays la plupart des chauffeurs de bus me mentiront en m’assurant me déposer au terminal de mes destinations et me déposer par la suite à un point assez hasardeux de la ville. Cela me fera traverser la ville de Comayagua de nuit lors de mon premier jour malgré la réputation du Honduras d’être un véritable coupe-gorge.

Bien heureux d’être enfin arrivé !

Quelques jours plus tard, je raterai mon ferry pour une île caribéenne ainsi. Il me sera d’autant plus rageant que les départs des bus sont souvent précipités. Souvent, on prend à peine le temps de vérifier ta destination et on jette ton sac sur le toit si tu n’y fais pas attention et après le duo chauffeur-collecteur se fait des arrêts pour acheter des fruits ou boire un café. C’est surprenant, parfois agaçant. Aucune envie que cela me préoccupe davantage mais je deviens plus frontal et j’accuse de temps en temps quand on me ment au visage ouvertement. Je suis d’ailleurs rassuré de voir que les locaux qui prennent le bus sont dans ces cas-là avec moi.

Au début du voyage, je pensais que je comprenais probablement mal mais aujourd’hui mon niveau d’espagnol est établi (même si perfectible) et je réalise de plus en plus souvent que certaines personnes ne veulent pas s’embêter avec un étranger qui ne mérite pas leur attention ou qui parle un « espagnol étrange » (un accent ou un vocabulaire parfois différent…).

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Quand on te prend pour un autre oiseau… (photo by Genaro Servín on Pexels.com)

Comayagua ne sera qu’une étape intermédiaire sans réelle plus-value et je ne suis pas sûr que j’aurais été apte à l’apprécier auquel cas. La douche au seau d’eau froide (le pays manque d’eau malgré son aspect tropical et l’eau courante est coupée un jour sur deux), les cafards et l’absence d’endroits pour obtenir un peu de fraîcheur ne m’impactent pas. Toujours sonné, la musique m’apporte un grand réconfort dans l’océan de pensées que je tente d’apaiser.

L’organisation du voyage que je tente de minimiser toujours un peu plus (optimiser le trajet sans fixer les étapes exactes ni la durée) se transforme pour ne devenir que la réponse à une impulsion. Dès que l’agitation me gagne, je me mets en mouvement. Le Honduras étant similaire au Salvador en termes de tourisme, j’utilise une IA (intelligence artificielle) pour rechercher des destinations correspondant à mes goûts et cela me permet de prendre connaissance de l’existence du lac de Yojoa ou un des plus grands jardins botaniques au monde à Tela.

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Même si l’IA est un potentiel danger selon le cadre qu’on lui donne, elle me sera ici bien utile et accessible! (Photo by cottonbro studio on Pexels.com)

J’arrive hasardeusement dans une auberge impossible à deviner. En descendant du bus, un homme qui porte physiquement son passé lié à la drogue se dirige vers moi pour me demander où je séjourne. Il m’accompagne jusqu’à ce logement dont j’ai entendu parlé sur les groupes Facebook de voyageurs. Nous arrivons dans la maison d’une dame âgée qui prend alors un grand couteau et m’invite à la suivre au fond du jardin (enfin, de ce bout de jungle) avec l’homme. Prudent, je les laisse passer devant moi en me demandant comment cette situation pourrait déraper.

Elle me tend alors le couteau (ouf) devant une maisonnette pour que je force la serrure, la clé ayant été perdue. Si je cherchais l’isolation, je suis servi mais sans me sentir en sécurité avec cet homme qui me met mal à l’aise et reste à proximité. La grand-mère m’explique que c’est un ancien voyou qui tente de se repentir et de devenir un honnête homme. Respectable mais pas rassurant surtout face à son comportement qui me semble parfois invasif. Je tente de me mettre un temps dans ma bulle mais fini par aller dans un lieu plus attirant, peut-être un peu moins rustique et surtout plus apaisant. Difficile de se mettre dans une véritable bulle avec la sensation d’être épié ou le besoin d’aller régulièrement m’assurer que mes affaires n’ont pas disparues.

Toujours aux bords du lac de Yojoa, je m’aventure sur quelques balades pour mettre le corps un peu en mouvement. Je visite quelques cascades et profite des sentiers à proximité pour me perdre dans le concert permanent de la jungle et de ses habitants. Je commence à trouver un peu plus de paix dans ce lieu aux allures paradisiaques. Mon dortoir est déserté pour mon plus grand plaisir. Les douches sont à ciel ouvert avec des toucans et des motmot à sourcils bleus qui chantent au-dessus de ma tête. Le lieu fait restaurant et la nourriture est économe et de qualité. Le personnel est adorable et me fait d’ailleurs l’honneur de me faire goûter les différents rhums nationaux lors de ma lecture au coin du feu de camp quotidien.

Le record est battu sur le nombre de piqûres ! Mon anti-moustique ne semble clairement pas suffisamment efficace et mes pieds comptent chacun plus d’une quarantaine de points de sang (sans parler de la pauvre abeille que j’ai écrasé au réveil par accident et qui me l’a fait savoir douloureusement). Le nouveau produit recommandé par les locaux semble bien plus efficace même s’il brûle la peau et me déclenche des rougeurs… Un bon concentré chimique ! Difficile de savoir quel est le moindre mal.

Mon séjour ici prend fin et je décide de ne pas faire de détours vers les ruines mayas à quelques heures de bus près de la frontière guatémaltèque pour me diriger plutôt vers le nord et me rendre sur une île caribéenne. Le trajet me prend la journée et je rate le dernier ferry de la journée. Je patiente alors la nuit à La Ceiba qui n’est pas une ville très inspirante. Bizarrement, j’arrive à combler mon envie de légumes en me rendant dans un Domino’s Pizza qui offre un buffet illimité !

Je prends un café avant le ferry avec Melissa dont la rencontre est improbable. Elle travaille sur la base militaire à proximité et m’explique notamment les conditions de vie de la jungle au nord, zone extrêmement isolée, et les interventions qu’elle y fait parfois en hélicoptère. Elle me propose même à mon retour de l’île de me faire visiter les villages garifunas à proximité pour découvrir un peu plus de la culture hondurienne que je n’ai pas eu vraiment l’occasion de connaître.

Mon séjour commence sur Utila ! Je n’y serai que cinq jours pour passer mon niveau de plongée avancée dans cet endroit grandement réputé pour ses prix intéressants et sa biodiversité. J’en profite pour passer un appel avec ma tante bisaïeule de 101 ans, Paulette, qui me rappelle de faire attention à ne pas me faire dévorer l’appareil reproductif par les requins.

J’ai bien suivi ton conseil ma tante ! Depuis les hauteurs, j’espère que tu pourras veiller sur moi à ce que cela n’arrive jamais !

Les journées passent à une vitesse folle et je m’applique à me plonger dans les lectures recommandées pour assurer les connaissances nécessaires à l’obtention du diplôme. Je suis fier de suivre toutes les leçons en espagnol et me surprends à comprendre la majorité des informations. Mes sorties sont très enrichissantes à travailler la flottabilité et l’orientation sous l’eau par exemple. D’autres sont riches en émotion à visite l’épave d’un navire à 30 mètres de profondeur ou à plonger de nuit. La bioluminescence une fois dans l’obscurité totale nous plonge dans une scène digne du film « Avatar » avec toutes ses lumières vertes qui se dévoilent autour de nous. Un instant poétique difficile à oublier.

Le capitaine du bateau lors d’une sortie nous fait un dernier cadeau en repérant un groupe de dauphins au large. Il invite à plonger pour aller les rencontrer à la surface. Et voilà un deuxième moment de douceurs resté gravé sur la rétine. Les regards qui se croisent avec ces créatures sont perturbants tant leur éveil semble évident. Invité dans ce royaume salé, je suis reconnaissant d’avoir croisé leur chemin et senti leur puissance et présence à quelques centimètres grâce à leur curiosité.

Les rêveries se terminent et il est temps de quitter cette petite île aux allures paradisiaques. Il me faudra quatre jours pour arriver jusqu’à ma destination au Nicaragua tant les routes sont difficilement praticables et les horaires irréguliers. Je fais un court arrêt à Tela pour visiter l’un des plus grands jardins botaniques au monde, celui de Lancetilla fondé en 1925.

La maison d’un couple de chercheurs de l’époque.

Au milieu de cette forêt vierge, je découvre parfois des bâtiments d’anciens chercheurs (une plongée dans les décors des films « Tarzan » pour te donner mon ressenti). Il y a d’ailleurs un cimetière avec 26 tombes des botanistes et autres ayant travaillés ici. De nombreuses études ont été menées ici et on trouve un nombre de plantes et d’arbres mortels assez important ! Je confesse que je n’imaginais pas autant…

Je tombe au hasard sur un couple de chevaux attaché assez bêtement au point de provoquer la suffocation d’une des deux bêtes qui a tenté de s’en sortir et a fini par s’ouvrir la chair avec le frottement de la corde. Une fois libérés et rattachés correctement, un serpent me passe devant les pieds au risque de se faire écraser sous mon poids. Un service rendu pour un autre me dis-je avec le sourire !

Je continue mon périple pour gagner le Nicaragua en faisant étape à San Juan Sula où Tania me reçoit pour la nuit et où les échanges poussent jusque tard. Travaillant dans une ONG pour aider les immigrants dans des situations compliquées, cela présageait forcément de nombreuses discussions passionnantes.

Supposé dernier jour dans le pays, je gagne la capitale de nouveau pour un court changement de transport après avoir traversé la ville entre deux terminaux (enfin deux angles de rue avec un ou deux bus qui attendent). Je finis par arriver à El Paraíso à quelques kilomètres de la frontière mais le dernier transport est déjà parti en cette fin d’après-midi aussi je patiente une nuit de plus, à nouveau épuisé et sans être regardant sur les cafards dans ma chambre et mon oreiller. J’avoue que la capote dans le bac de douche m’aura tout de même poussé à retarder ma prochaine toilette…

Au moins, on m’a laissé de la lecture avec un Nouveau Testament en espagnol et anglais.

Mercredi 9 août matin, me voici enfin à passer la frontière pour entrer au Nicaragua. Premier objectif : me rendre à Esteli afin de découvrir le processus de fabrication du cigare dans une entreprise familiale.

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