Instant présent

Jours 346 à 359 – vendredi 1 à jeudi 14 septembre 2023 – Liberia, El Coco, Samara, San José – Costa Rica

Ma musique “mémoire” du lieu, à écouter durant ta lecture si ça te dit ! Sinon, tu peux aussi te concentrer sur les paroles qui sont comme du miel à mes oreilles.

Le passage de frontière n’était pas sans peine. Après une première prise de tête pour régler une taxe en dollar américain alors que ce n’est ni la monnaie nicaraguayenne ni costaricaine, le policier de la douane veut me faire payer une amende pour avoir dépassé le nombre de jours autorisé sur le C4 (le territoire incluant le Guatemala, le Salvador, le Honduras et le Nicaragua). Autorisé à transiter sans visa pendant 90 jours en entrant dans ce périmètre, un douanier s’est amusé à écrire 30 jours à la place sans m’en avertir et surtout sans raison. Avec un visage de fer, j’assure au policier avoir bien demandé en entrant dans ce dernier pays jusqu’à quand je pouvais rester. Quelques minutes de discussion tendue mais polie plus tard, je suis dans le bus pour Liberia, gracié.

Mon île me parait déjà bien loin à ce moment-là.

Malgré cet accroc, les 15 jours passés sur l’île d’Ometepe m’ont permis de prendre le détachement nécessaire pour terminer mon voyage sur les terres latines. Serein, je compte passer rapidement ce pays désormais tant réputé qu’est le Costa Rica. Je considère avoir suffisamment eu l’occasion de profiter de la biodiversité de l’Amérique Centrale pour éviter les lieux touristiques, plus chers et fréquentés que ceux que j’ai pu faire hors des sentiers battus. En longeant la côte pacifique avant de rejoindre la capitale, j’espère recroiser quelques compagnons de voyage et profiter de leur présence de qualité.

À El Coco, je suis convié par Saverio, mon ami italien rencontré au hasard d’une route menant à un temple maya. Ayant élu domicile depuis quelques semaines dans cette petite ville isolée et pourtant touristique, il termine sa formation de plongée pour encadrer à son tour et peut-être à terme joindre cette passion à un emploi en lien avec la biologie sous-marine.

Accueilli comme un roi avec des repas pourtant simples mais délicieux !

Heureux hasard, c’est le jour de son anniversaire qu’il m’emmène plonger avec lui sur un site réputé pour sa faune. À peine à l’eau, nous trouvons de nombreux requins à pointe blanche en train de se reposer entre des rochers ou sur des bancs de sable. Plus ponctuellement, nous sommes surpris par la visite de quelques tortues marines et des bancs de raies aigle et de poissons aux reflets d’argent. Le seul mot me venant à l’esprit pour décrire mon sentiment : contemplatif.

Je remercie l’école de Rich Coast Diving pour l’utilisation de ses photos encore une fois !

Je frôle tout de même l’accident en confondant des signes de main lorsque Saverio m’interroge sur ma réserve d’oxygène. Je l’informe qu’il me reste la moitié de mon tank lorsqu’il m’en reste un sixième et que le palier de sécurité de cinq minutes est encore à faire. Malgré mes plongées récentes, une erreur de communication est toujours possible et cela peut avoir quelques graves conséquences.

La sensation de sentir l’oxygène s’appauvrir progressivement jusqu’à arriver à court d’air est très loin d’être agréable et il faut savoir réagir rapidement. Évaluant sans danger de raccourcir mon arrêt vu la faible profondeur de la plongée, j’ai commis une erreur de jugement dans le comportement à adopter et l’entraînement aurait dû me pousser à aller chercher le détendeur de secours de mon binôme pour terminer le palier de décompression. Un avertissement pour les prochaines fois, dira-t-on.

De retour sur la terre ferme, je profite de mon temps libre pour aller trouver quelques souvenirs dans les boutiques d’artisanat. Au moment de prendre mon vol retour, c’en sera une trentaine qui alourdira mon sac de 5 kg pour un total de 22 kg. On ne s’étonnera pas que les derniers trajets avec les deux sacs devenaient plus éprouvants…

Le centre de plongée de Saverio respecte la tradition costaricaine en lui organisant une petite surprise pour son anniversaire avec une piñata qu’il se retrouve à devoir éventrer les yeux bandés pour faire pleuvoir les bonbons qui s’y logent. La journée se conclue par une grande tablée internationale offrant un savoureux mélange culturel.

En route dès le lendemain pour retrouver cette fois Constance, rencontrée lors de mon étape au Nicaragua. Il me faut tout de même trois bus et plusieurs heures pour franchir la centaine de kilomètres qui nous sépare. Cette française étant volontaire dans une auberge à Samara, l’objectif pour moi n’est autre que celui de discuter avec elle et de passer du temps sur les plages. Au milieu des singes et des fourmiliers, le lieu est suffisamment isolé pour m’apporter la tranquillité nécessaire pour écrire et lire.

Dans cette auberge, les voyageurs sont invités à laisser leur empreinte à travers une peinture qui est ensuite accrochée ou suspendue. Je décide de ne pas déroger à la règle et de profiter de cet atelier manuel. J’innove également en me faisant un soir tirer les cartes dans un jeu d’Oracle. Le papillon me représente tandis que l’énergie qui m’entoure est celle des symboles. Mon évolution est définie par la guérison et l’expérience à vivre est celle du temps. Après quelques explications, je suis toujours aussi curieux et amusé par ce que ces jeux racontent et écouter là où ils peuvent me faire écho.

Autre curiosité avec la magnétisation. J’ai commencé assez fort mon entrée en Amérique Centrale puisque les identifiants de ma carte bancaire m’ont été dérobé en ligne le premier jour valant son blocage immédiat par sécurité. Ma seconde carte dédiée au voyage, d’une banque proposant aux voyageurs des formules plus intéressantes, a quant à elle décidé de ne plus fonctionner à part pour les retraits. Probablement fatiguée par les frottements dus à la marche quotidienne, j’ai tenté durant deux mois de payer avec sans succès. Et voilà qu’on me propose de la remagnétiser pour la refaire fonctionner. N’ayant rien à perdre, je tends ma carte et… miracle ! Voilà ma vie bien simplifiée d’un coup !

Dernière étape costaricaine à la capitale. Logé dans une auberge de jeunesse d’une élégance sans pareille (a priori une ancienne résidence présidentielle), je m’attarderai un peu plus d’une semaine dans les quartiers de l’immense San José. Je me rends tout d’abord chez Steven pour retoucher mes tatouages, facilement exposés sur les mains et en particulier les doigts. Sans être une douleur insurmontable, c’est tout de même une gêne progressive qui fini par me fatiguer au bout de quelques heures. Je repars satisfait de son travail et sans être mis sur la paille (je m’en tire pour 115€ contre les 700€ requis par certains artistes de la ville, Costa Rica baby).

Cocorico, c’est le lancement de la Coupe du Monde de Rugby. Fils d’un joueur du Stade Français, me voilà bien évidemment à prier le gérant d’un bar de sport de diffuser le match opposant la France à la Nouvelle-Zélande. Ignorant de quel sport je parle, j’arrive à lui faire allumer un écran au fond d’une salle obscure. On me regarde bizarrement, j’en ris et je me sens un peu à la maison. Les commentateurs sportifs argentins offrent une lecture du match peut-être plus amatrice qu’au pays, là-bas reconnus pour leur passion intense et leur connaissance approfondie du jeu (sans parler des expressions et de l’aspect « terroir » souvent mis en avant). L’expérience reste agréable, le résultat d’autant plus.

“En plein dans l’buffet !”

Heureux de visiter de nouveau des musées conséquents comme celui de l’or ou de la monnaie, c’est celui dédié à la jade qui me marquera le plus avec sa scénographie. Produite chez trois cultures majeures que sont les Olmèques (Mexique), les Mayas et un groupe précolombien au Costa Rica, ses artisans partageaient des connaissances communes sur la matière brute et les manières de la travailler. Pierre précieuse sacrée, la jade était utilisée pour la fabrication d’objets rituels, d’ornements et de sculptures. Symbolisant le pouvoir, la fertilité et la vie éternelle parfois, elle servait parfois dans la confection d’outils et d’armes.

Sur mon séjour en ville, je rencontre Ana, la première nicaraguayenne avec qui je discute (pour dire mon niveau d’isolement lors de mon passage). Elle m’invite à un bar-karaoké et accessoirement est chanteuse. Elle ose laisser penser que nous n’irons pas chanter. Quelle erreur.

Un petit “Feelin’ Good” de Muse ?

Plus tard dans la semaine, j’ai la chance de faire la connaissance d’Ivonne. À la fois adulte et enfant avec elle, nos discussions nous mènent toujours sur de nouveaux terrains et je reste admiratif de la philosophie qu’elle prône et de sa résilience avec son expérience de vie. Par son biais, je fais la rencontre de plusieurs de ses amis. Je me retrouve même embarqué dans une fête d’anniversaire dans un chalet sur le flanc d’un volcan en périphérie de la capitale.

Plus tard, ce petit groupe me révèle l’agitation insoupçonnée de la vie nocturne de certains quartiers. Le Costa Rica est réputé pour sa sécurité face à ses voisins mais à écouter les locaux, il ne faut pas se fier aux apparences. Comme ailleurs, une insécurité règne même si elle peut être moins visible. Je reste toujours marqué par le contraste qu’offrent les différents quartiers des grandes villes. En traversant la rue, on peut passer d’une ambiance bon chic bon genre à une zone à éviter. Il s’agirait de ne pas prendre de raccourci… surtout la nuit en suivant une carte… sans réseau… en longeant un chemin de fer sans éclairage… ou être prêt à courir.

Le séjour sous la fraîcheur de San José termine en douceur malgré un rhume bien improbable après des semaines de chaleur. J’ose cuisiner pour la première fois depuis un moment pensant faire des économies… Erreur avec les supermarchés plus chers qu’en France (malgré un salaire minimum autour de 400-500€). Cela rappelle aussi la condition du pays tournant autour du tourisme entre autres permet de considérer sa situation économique comme stable par rapport à certains de ses voisins mais les disparités socio-économiques (revenus, accès à l’éducation, santé…) restent une préoccupation majeure.

On ne peut qu’apprécier d’observer que le pays semble bien moins peuplé que ses voisins de chiens errants toujours plus maigres les uns que les autres.

Le tourisme peut avoir des effets ambivalents. L’industrie peut contribuer à la croissance économique en créant des emplois, en stimulant le commerce local et générant des recettes gouvernementales mais il peut aussi exacerber les inégalités notamment si les bénéfices ne sont pas répartis de manière équitable. Sans parler de la qualité des salaires ou des conditions de travail, je pense surtout à la présence de sociétés internationales ayant surtout à cœur de faire une marge importante comme j’ai pu le constater dans de nombreux autres pays latins ayant commencé à ouvrir leurs frontières économiques.

Un concept que je ne connaissais pas, le café-peinture où l’on achète sa céramique pour la peindre en buvant sa boisson chaude. Dommage que les pièces soient ici si chères (en moyenne 25€).

Je n’ai finalement pas vu grand chose du Costa Rica. J’appréhendais ce pays et son tourisme (alors qu’il me faisait rêver il y a quelques années). Je suis heureux d’avoir pu en apercevoir un bout mais c’est surtout la rapidité à laquelle j’ai dû céder face au temps qui aura finalement forcé mon départ quant j’aurais aimé m’attarder et apprécier les moments de partage avec toutes ces compagnons. Le sentiment d’avoir flâné fut le bienvenu et je pars malgré tout tranquille et confiant. La fin approche et je commence d’une certaine manière à poser un regard détaché sur mon environnement et les occasions ratées.

Il est minuit quand je rentre dans le bus pour le dernier pays de mon périple. M’attendent 17h de bus loin d’être tout confort pour aller dormir dans le cratère d’un volcan. Drôle d’idée.

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