Aucun backpacker ne vous dira le contraire : après un long voyage, le retour est toujours une épreuve en soi. Imagine un instant de rythmer ton quotidien de déplacements, rencontres et imprévus, qui plus est dans un contexte culturel et linguistique différents. L’impression d’avoir vécu plusieurs vies dans une bulle temporelle ne te quitte pas. Positifs ou négatifs, les expériences offertes par le voyage sont marquées par leur puissance émotionnelle et sensationnelle et l’empreinte qu’elles laissent.
En rentrant en France à quelques jours de Noël et de mon anniversaire, le contraste était puissant. Revoir tous ces visages familiers paraissait absolument irréaliste. Les retrouvailles avec la famille puis les amis étaient évidemment les bienvenues. Pourtant, je me sentais déboussolé -bien que serein- et j’ai eu bien du mal à quitter l’apathie qui marquait mon visage.
La suite de mon séjour m’a confirmé le choix que j’avais fait de rentrer pour accompagner ma mère dans son traitement. Toujours en cours de soin, il semble qu’elle pourra reprendre un semblant de normalité de vie bientôt. Je n’ai donc aucunement regretté ma décision et pourrai sous peu m’atteler à de nouveaux projets personnels.
Les 5 mois passés en Île-de-France auront épuisé les moindres réserves d’énergies mentale et physique que je conservais. Les quelques échappées dans le Sud et les Alpes à rendre visite ou à aller méditer m’ont tout de même permis de les recharger avec parcimonie.
J’ai été surpris de plusieurs choses avec ce rapatriement. Premièrement, le décalage avec ce « retour à la réalité » où finalement il n’y a « que » 8 mois qui sont passés. La vie de nos proches ne change pas tant que ça en une si courte durée. Les retrouvailles n’ont donc pas la même signification dans la tête du voyageur que dans celle des autres.
Le rapport au voyage change aussi grandement d’une personne à l’autre. J’en ai beaucoup parlé avec d’autres backpackers rencontrés sur mon périple et le choc est souvent violent quand il s’agit d’évoquer ce chapitre de nos vies.
Les questions les plus récurrentes sont souvent « automatiques » et parfois maladroites comme « C’était bien tes vacances ? », « Qu’est-ce que tu as préféré ? »… Certaines étaient plus ciblées mais avec une forme de jugement ou d’avis. Je prends pour exemple ma mésaventure qui aurait pu me coûter la vie dans les montagnes péruviennes où on m’a rappelé sans réserve mon imprudence et ma chance. Je trouve ça étonnant d’avoir un avis sur la question comme-ci d’autres l’avaient vécu. Cela m’a aussi fait relativiser sur le fait que les évidences n’apparaissent seulement que lorsqu’on connaît la conclusion de l’histoire.
L’envie de partager des moments de voyage et d’encourager ne serait-ce qu’un soupçon de l’émerveillement ressenti s’est donc vite retrouvée assez frustrée. Au final, j’ai très peu parlé de mon aventure depuis mon retour et le sujet n’est plus venu après quelques temps. Tout cela renforce certes l’isolement sous un sentiment général d’incompréhension dans cet océan d’informations qui submerge déjà avec le retour au pays.
Il y a un an, je partais pour mon aventure et une question me revenait très souvent : qui serais-je à la fin de mon voyage ? Je savais que bien des choses se passeraient. Je savais aussi que je pourrais ne pas revenir et j’avais tout arrangé pour avoir la liberté de m’installer si l’envie se faisait sentir. J’étais aussi prêt à ce qu’il m’arrive malheur et pourtant cette assurance s’est ébranlée fortement durant mon épopée. Je suppose que cela peut-être dû à l’insuffisance de moments durables de paix et de sécurité ; rendant au passage la digestion des différents chocs éprouvés durant ces 8 mois difficile.
Je pensais pouvoir prendre le recul nécessaire après mon rapatriement. La vie passagère à la capitale aura néanmoins été bien trop en pilote automatique face à ses épreuves inédites pour que j’en tire aujourd’hui les conclusions.
Au chômage mais sans avoir la disponibilité pour trouver un emploi sur cette période, sans domicile propre avec pour seules affaires celles de mon sac à dos et quelques fringues de mon adolescence, le reste étant dans un garage à 600 km, ne pas faire de plan n’est pas si simple. Rester à l’arrêt et profiter du moment est un beau défi et plus facile à relever en voyage loin de ce que m’est familier. J’ai endossé bien des casquettes ces derniers mois : fils, frère, proche, ami, backpacker, chômeur, proche-aidant… En effaçant peut-être trop l’ours qui a besoin de solitude et d’une bulle loin de tout… d’où le pilote automatique mais qui ne peut fonctionner qu’un temps.
Depuis quelques semaines, je réalise avoir fait tout ce que je pouvais face à la situation. Ma présence est de moins en moins nécessaire au fil du temps (ne négligeant pas le soutien mental pour autant). Le temps passe et sentant que je ne souhaite pas prolonger trop longuement ma période sans travail, me voilà divisé face au choix du chemin à emprunter pour la suite. Je n’ai clairement pas l’énergie pour me relancer dans un périple mais je sens malgré moi l’envie d’offrir une conclusion au voyage que j’ai commencé l’an passé.
Après de nombreux nœuds au cerveau et des nuits agitées, j’ai enfin fait mon choix. Toujours celui de suivre ma peur au final. Loin d’être serein que ce soit face à ma situation familiale, je crains aussi de me relancer dans pareille aventure, cette fois en sachant davantage à quoi m’attendre. Les centaines d’heures de bus, les douches froides, les dortoirs agités, l’insécurité, la recherche permanente d’infos, les intoxications alimentaires… Tout cela ne me donne pas envie.
Et pourtant, me voilà à prendre mon billet en ligne. Le désir d’aventure, de rencontres impossibles, d’expériences inédites, de découverte de pans d’Histoire qui me sont inconnus… Et un nouveau… ou du moins un désormais prioritaire… celui de me retrouver seul, loin de tout et de tous pour être au plus près de moi-même. J’en ai souvent formulé l’envie et je vais m’atteler à la mettre en œuvre. Je verrai bien la forme qu’il prendra mais il est en haut de ma liste.
Alors voilà, c’est reparti pour 4 mois de voyage, cette fois en direction de fameuses pyramides…
Wouah magnifique message JB !
Je n’ai malheureusement pas lu l’intégralité de ton périple précédent mais je ne désespère pas d’y parvenir “à cha peu” comme on dit dans les Monts !
J’imagine, bien que certainement superficiellement, ce décalage ressenti à ton retour. Cette brutale autre réalité qu’est un “retour à la normale (? ou pas d’ailleurs)”. Je ne comprends que trop bien ton désir de retenter l’expérience et je te souhaite de TE trouver au détour de tes découvertes à l’autre bout du monde. C’est bien plus qu’un voyage physique que tu entreprends et c’est hyper courageux et intense.
A bientôt j’espère, au travers de tes posts ou par message (via FB). Je te souhaite le meilleur du meilleur.
Salut Laurence ! Merci pour ce chouette petit retour qui nourrit toujours davantage l’envie d’écrire et de partager ! 😉
Un Coucou de la Mouette du Lot ta cousine.
Bonne route pour la suite de tes aventures que j’ai suivi un peu en diagonal. 👍
Salut cousine ! Et merci de suivre ce voyage ! J’espère qu’il te permettra de voyager un peu en même temps !