Jours 144 à 147 – Jeudi 15 au dimanche 18 septembre 2022 – Cajamarca, Trujillo – Pérou
La fin d’un empire
L’arrivée des conquistadors, assoiffés d’or, coïncide tristement avec une lutte fratricide, à la mort de l’Empereur Huayna Capac, entre ses deux fils, Huascar, basé à Cuzco, et Atahualpa, basé à Quito. Atahualpa finira par vaincre son frère en 1532 à Ambato, dans le centre de l’actuel Équateur, et devenir ainsi le roi d’un empire meurtri et divisé.
Dans ce contexte de division, Atahualpa apprend l’arrivée des espagnols. Ses espions l’informent qu’ils ne sont pas d’essence divine. L’Empereur y voit l’occasion de renforcer son armée en utilisant leurs connaissances. Face aux 80 000 soldats de l’armée inca, les 168 espagnols optent pour la ruse et propose la rencontre dans les rues de Cajamarca où un nombre limité de soldats sera présent. Le chef de guerre inca est tellement sûr de lui qu’il interdit la présence d’armes.
Lors de la rencontre, les conquistadores se cachent dans les maisons voisines. Le prêtre Vincente de Valverde tend la Bible à Atahualpa sur son palanquin, qui ignore le concept même de livre et le rejette. Pizarro ordonne alors l’attaque et c’est alors un bain de sang où les incas découvrent au même moment canons, arquebuses et chevaux. Certaines de mes lectures rapportent que Pizarro lui-même aurait au moment du rejet de la Bible attrapé par le bras l’Empereur-Dieu pour le faire descendre, à la surprise générale du peuple qui considère son leader comme une divinité intouchable.
Atahualpa est capturé malgré la lutte acharnée de ses porteurs amputés qui tentent de l’évacuer. L’empire est décapité. Sous la menace, il demande à ses troupes de se retirer et propose de payer une rançon pour sa propre liberté : l’équivalent en or du volume de la pièce où il est emprisonné et une quantité double d’argent. Mais, alors même que la rançon est en partie payée, Pizarro trahit Atahualpa, le fait baptiser (à la demande de l’Empereur pour ne pas être brûlé ce qui empêcherait son âme de rejoindre l’au-delà), puis juger pour inceste, polygamie, adoration de faux dieux et crimes contre le roi, avant de le faire exécuter en 1533.
Visite de Cajamarca
Arrivé avant l’aube, je rencontre le jeudi 15 septembre mon hôte de Couchsurfing, Kevin et sa compagne Michelle. Après quelques heures de repos, c’est parti pour visiter les nombreux sites archéologiques des civilisations Cajamarca (-1000 à ~1400 après J.-C.) et Inca (ayant régné 80 ans sur ce peuple). Je découvre ainsi les Ventanillas de Otuzco, crypte rocheuse ponctuée de petites fenêtres sculptées dans la pierre pour y loger leurs morts. Leur utilisation remonte à l’époque de la culture Moche qui cohabitait avec la culture Cajamarca.
Bien sûr, court passage obligé dans le village de Baños del Inca, ancienne station balnéaire de l’Empereur, où je goûte enfin mon premier ceviche, un plat typique du Pérou mais trouvable depuis la Colombie, à base de morceaux de poisson cru et d’oignons marinés dans du jus de citron.
Plus tard, après la visite de 3 musées et la marche jusqu’au point de vue dominant la ville, je visite le fameux Cuarto del Rescate où était enfermé l’Empereur. Rien de bien impressionnant sans un minimum de contexte que j’ai pu avoir heureusement grâce à mes recherches précédents les visites.
Le lendemain, j’ai la chance de visite Cumbe Mayo, un site archéologique abritant un aqueduc d’une longueur de 9 km et alimentant les champs aux alentours et la ville de Cajamarca. Des pétroglyphes ainsi que des figures animales sont identifiables sur le site. Faute de moyens, aucune étude n’est réalisée actuellement pour en apprendre davantage sur leur signification. Ce peuple croyait en l’existence de trois mondes, comme de nombreux autres : le monde céleste (hanan pacha) représenté par le hibou ; le monde terrestre (kahi pacha) représenté par le félin ou l’homme ; le monde souterrain (uqu pacha) représenté par le serpent.
Un dernier verre avec Kevin et direction le terminal de bus pour embarquer de nuit en direction de Trujillo. Abasourdi par la diffusion du film « l’Exorciste » dans la salle d’attente malgré la présence de plusieurs enfants, je constate avec confusion qu’aucun ne le remarque, ayant tous un téléphone dans les mains malgré leur âge précoce. Oh, misère !
Visite de Trujillo
Accueilli à l’aube par Fernando, mon hôte Couchsurfing, je tente de visiter un musée ayant fermé ses portes avec le COVID. L’épidémie aura mis fin à de nombreuses activités comme certains Walking Tour et il est souvent difficile de trouver des informations sur le net. La ville n’a pas grand-chose d’enchanteur mais ce sont ses richesses archéologiques qui m’ont guidé ici, près de la côte désertique du pays.
Je découvre avec amusement le musée du jouet avec Brunella qui m’accompagne en quête d’une tente pour donner une autre forme à mon voyage et pourrait me permettre davantage de stop et de camping sauvage au Chili. Plus tard, je fais la rencontre de Maria Elena et sa bande d’amis dans un bar où j’écoute les rythmes péruviens dont la salsa locale, plus proche de la cubaine que j’ai appris.
Mon séjour sera marqué par deux visites. Le site de Chan Chan, son musée mais surtout sa cité de terre cuite considérée comme la plus grande ville précolombienne d’Amérique du Sud servant de capitale au peuple Chimú jusqu’à sa colonisation par les Incas (si facile en détruisant les aqueducs l’alimentant). Bien sûr, Pizarro est arrivé peu de temps après et a pillé la ville (l’équivalent d’un petit 5 milliards de dollars).
En déambulant sur le site, on aperçoit un riche tissu urbain composé de plusieurs structures comme des palais, des temples, des salles d’audiences, des quartiers de logements exigus, des réservoirs, etc. L’une des dix citadelles visitable aujourd’hui est protégée de hauts murs avec une seule entrée et sortie permettant d’en contrôler l’accès. Construite en 850, cette civilisation se sera développée sur les restes de la culture Moche. Elle aura permis de comprendre l’importance de la stratification sociale avec des classes différentes occupant des zones et bâtiments différents.
Plus au sud, c’est le Temple de la Lune qui restera gravée dans mon esprit par sa grandeur et sa somptuosité. Plus important lieu de culte pour la culture Moche (tu vas finir par les retenir), cet édifice de plus de 60 mètres en forme de pyramide n’a pu être extrait et restauré qu’à 60% encore. La construction d’un nouvel étage marquait une nouvelle période avec le recouvrement par des millions de briques (composées de terre, d’eau, de sable, de mollusques broyés et de jus de cactus) du précédent bâtiment. Cela en augmenta par cinq fois la largeur et la hauteur.
Au pied de ce Huaca de la Luna vivaient des prêtres, des administrateurs et des artisans spécialisés. Plusieurs rituels ont pu être identifiés : la chasse au cerf ou à l’otarie, une cérémonie à la feuille de coca, la préparation d’offrandes, etc. Le plus marquant reste l’organisation d’un combat à mains nues entre deux équipes. On gagnait en retirant le casque de son adversaire ou en l’attrapant par les cheveux (pour une fois que la calvitie précoce est une chance). L’équipe perdante était alors attachée et préparée pour le sacrifice (on est loin de l’honneur Inca d’être sacrifié à son Dieu). Afin de calmer la colère des dieux et s’assurer une météo plus clémente, ces hommes étaient égorgés, décapités et coupés en morceaux. Leurs corps restaient à la merci du Soleil et des vautours.
Le temple finira par être abandonné vers l’an 800 puis réutilisé par le peuple Chimú comme site funéraire. Il deviendra un peu plus tard un lieu de pèlerinage et sera approprié par les Incas un temps.
À mon tour, je finis par quitter le lieu malgré l’éclat de ses peintures et sa richesse historique captivante. Il est l’heure de me diriger vers Huaraz, une ville perchée à 3 100 mètres d’altitude au milieu des Andes et considérée comme le paradis des trekkeurs.