Jours 35 à 37 – Colombie – Minca, Cerro Kennedy
Retour sur Minca, aux portes de la Sierra Nevada de Santa Marta. Il s’agit pour moi d’une première de revenir sur mes pas lors d’un voyage mais je souhaite accomplir cette randonnée jusqu’au fort militaire de Cerro Kennedy. Alors que la plupart des visiteurs de ce petit village viennent pour ce savant mélange entre belle vue au milieu de la jungle et fête continue, beaucoup ignorent les nombreuses randonnées disponibles autour. Ce massif montagneux isolé de la Cordillère des Andes renferment les sommets côtiers les plus hauts du monde et les cinquièmes plus haut du monde avec les pics Colomb à 5775 mètres d’altitude et Bolivar avec un mètre de moins.
Ces sommets sont fermés aux visiteurs, l’ascension nécessitant une autorisation spéciale et la validation des peuples indigènes vivants dans ces montagnes. Aussi, cette randonnée est ce qui s’en rapproche le plus dans mes moyens et me semble un challenge à relever avec son dénivelé impressionnant. En effet, de Minca à 630 m je souhaite monter jusqu’à 2500 m à un refuge avant de pouvoir profiter du lever de soleil à 3 100 m au fort.
Il existe une option permettant de couper le trajet en deux à l’aide d’un moto-taxi mais j’ai l’envie de faire cette ascension seul et sans guide, le trajet paraissant sûr et clair cette fois.
Dimanche 29 mai, je quitte donc le niveau de la mer à Palomino et retourne à l’auberge de jeunesse de Minca où j’ai négocié de laisser mon grand sac à dos en sécurité le temps des deux jours de randonnée. Après avoir chargé mes appareils (batterie externe, frontale…) et fait quelques provisions (quelques fruits et barres de céréales, trois litres d’eau et une brioche d’une pâtisserie française à tomber par terre), je me récompense de la meilleure glace de ma vie (peu friand pourtant de ce met sans un fondant au chocolat avec). Ravis et excité à l’idée de ce défi, il m’est difficile de trouver le sommeil si tôt dans la soirée mais mon réveil à 4h me rappelle l’urgence de dormir.
Il fait encore nuit et la cacophonie de chants d’oiseaux n’atteindra son apogée qu’à l’aube dans une heure à 5h30. En attendant, ce sont les coqs et les chiens qui se font le plus entendre à proximité du village que je viens de quitter. Frontale équipée, je m’équipe d’une vieille branche de bois qui me servira à me protéger contre les nombreux chiens en liberté n’aimant pas les visites nocturnes près de leur domicile. La plupart sont juste de grandes gueules mais il suffit d’une morsure pour devoir passer du temps à l’hôpital face au risque de rage (difficile de savoir si le chien est errant ou non et donc vacciné).
La première partie du chemin se passe sur la route, même si personne ne passe encore à cette heure-ci. Avec l’obscurité, je me repose peu sur ma vue et mes autres sens sont à l’affut. Des paires d’yeux brillent sur les côtés (en majorité des chats, je suppose mais tu fais pas le malin quand tu sais qu’il y a des jaguars dans le coin) et les craquements autour de moi sont nombreux. Difficile de ne pas y prêter attention mais la magie du moment l’emporte sur la peur. Les montagnes commencent à se dessiner autour de moi en se détachant doucement du ciel noir puis violet.
J’apprécie cette sensation d’être seul au monde et afin de le préserver, je prends un détour pour quitter cet axe principal. Je passe par une finca de café et l’atelier est d’ailleurs laissé ouvert pour laisser les rares randonneurs qui s’aventurent sur ce trajet (enfin, ça je l’ai compris après vingt minutes à tourner et à m’enfoncer dans les plantations de café jusqu’à ce que le chemin de terre disparaissent sous mes pieds).
En m’accordant quelques pauses pour palier la faim et la fatigue de quelques moments où la côte est raide (oui, 1900 m de dénivelé, à un moment, ça va forcément être ponctué), j’arrive au bout de 4h à un petit café avec une vue exceptionnelle depuis sa terrasse. J’en profite pour prendre un traditionnel « tinto » (ou américain) et me renseigner sur la route à prendre. Je vois quelques motos arriver et comprend que c’est le lieu pour commencer la randonnée « classique ».
C’est reparti ! Plus de route ici, seulement un sentier de terre ponctué de nombreuses caillasses et régulièrement coupé par des cascades et petits cours d’eau (alerte spoiler : il n’y a pas eu de gamelle, désolé). Je m’enfonce davantage dans la jungle et la vue m’est cachée par les nuages qui m’entourent et me préservent de la chaleur grimpante (pouvant vite être étouffante). J’aime prendre mon temps et en discutant avec d’autres randonneurs rencontrés plus tard, je réalise la chance que j’ai d’observer tant d’animaux. Comme j’aime me le rappeler régulièrement, la chance sourit aux esprits qui s’y sont préparés.
La dernière heure est la plus longue, la fatigue me gagne et le soleil commence à percer. Sur les dernières minutes, j’entends le ciel gronder et j’accélère le pas pour éviter de me prendre l’orage. 13h, heureux de voir enfin le refuge, on m’accueille avec une « aguapanela » (de l’eau avec de la panela diluée ou du jus de canne à sucre si tu préfères). Je fais la rencontre d’Elisa et Santiago, un couple enjoué et chaleureux vivant à quelques kilomètres à Barranquilla. Après avoir partagé un déjeuner avec eux, je garde leur contact et j’en suis ravis puisque je les reverrai quelques jours plus tard à Medellín. Impossible de faire plus aujourd’hui. Je termine ma journée par une longue sieste et par admirer les paysages à proximité du refuge. Le soir, je discute avec quelques autres randonneurs et, drôle de hasard, je tombe sur Milena qui a comme moi passé une partie de sa scolarité à Meudon. Mais je tombe aussi de fatigue et des courbatures commencent violemment à se faire sentir sur mes hanches.
Le refuge nous offre pour dormir une simple couverture et j’enrage de ce constat quand je m’attends à une nuit froide. Je pense à mon duvet chaud qui m’attend à Minca. Je dors habillé et malgré ça, impossible de ne pas greloter. Impossible aussi de se mettre en position fœtale avec les douleurs aux hanches. Je finis par mettre ma veste gore-tex pour garder ma chaleur. Après la nuit la plus froide de ma vie, fatigué, je me mets en route pour le lever de soleil vers 4h30. Je décide de ne pas aller jusqu’au fort Cerro Kennedy mais d’écouter les conseils des locaux que j’ai interrogé la veille sur les meilleurs points de vue. Je cesse ma progression au bout d’une heure à 2 700 m d’altitude et malgré un soleil caché par le sommet d’à côté, la vue panoramique portant à plus de 50 km dont sur les sommets enneigés de la Sierra Nevada de Santa Marta me laisse sans voix.
Plus d’une heure plus tard, je me décide à rebrousser chemin car j’ai l’objectif assez ambitieux d’être à Cartagena le soir même. Pour cela, il me faut retourner à Minca, récupérer mon sac, prendre un bus pour Santa Marta puis une connexion jusqu’à ma destination. La descente est longue, je suis lent comme je le comprends à me faire dépasser régulièrement par d’autres randonneurs. Les douleurs, la fatigue et mon hobby de ramasser les déchets plastiques sur le chemin m’encouragent à être oisif et à prendre ce temps, et tant pis si c’est trop juste pour Cartagena.
Je me décide finalement à accepter un moto-taxi à mi-chemin au niveau du fameux café de la veille mais aucun n’est présent, c’est bien ma veine. Je ne me décourage pas et continue à longer la route. Effectivement, c’est bien ma veine puisque je rencontre Jairo qui passe avec son minibus et me prend sur la route. Travaillant dans le tourisme, nous nous entendons rapidement et je lui propose de le remercier avec la meilleur glace du monde à Minca. Acceptant volontiers, il m’informe se diriger vers Santa Marta et m’offre même de m’attendre pour me déposer au terminal. Mon bon samaritain ! Après avoir échangé sur de nombreux sujets avec lui, il me donne encore quelques conseils et je me trouve rapidement un bus pour ma prochaine destination.
Au final, je suis ravis de cette expérience même si l’effort physique me marquera pendant encore plusieurs jours (une marche de 50 km avec un sacré dénivelé tout de même). Les points de vue varient sans cesse et la sensation de vertige me prend régulièrement face à la raideur de pente du massif. Les rencontres que j’ai pu faire, aussi imprévisibles qu’écourtées lors de ce périple, ont été très variées et m’ont marqué voire ému par leur sincérité. C’est pour elles que le voyage peut s’avérer un véritable délice aux saveurs inattendues.
Bon je t’accorde que les 8 pattes sont très jolies… Tant qu’elles restent loin de moi !!! Trop chouette la vue : tu es le roi du moooooonnnnde !!! 😁
Pas mal petit scarabée.
Pense à t’acheter une tente et une machette pour prolonger l’expérience en forêt !
Attention c’est 90 jours en Colombie, après faut faire un petit tour ailleurs. Je dis ça je dis rien…
On participe “de loin, au chaud, en grand confort, sans fatigue, ni courbatures et aucun risque” mais également sans ces profonds ressentis et émotions frontales que tu éprouves et t’imprègnes à tout jamais. Un beau partage, plaisir des yeux et découverte assurée. Merci, sois attentif et prudent.
Mais nan genre Milena qui était dans ma classe de 1e !?! C’est vraiment un truc de dingue.
Merci pour les araignées hum… Mon coeur ne s’est jamais entièrement raccroché depuis la tarentule que j’avais aperçu dans la jungle du Paraguay !
Magnifiques photos continues !
Je pense que c’est une autre. Je mettrai une photo d’elle sur l’article à San Agustin 🙂