Jours 323 à 330 – mercredi 9 à mercredi 16 août 2023 – Estelí, León, Managua, Granada – Nicaragua
Les terres du Honduras sont derrière moi quand j’arrive à Estelí. Loin des côtes au sud, bien plus touristiques, j’espère pouvoir me rendre le soir à la deuxième ville la plus grande du pays, León. Fatigué de mon voyage commencé il y a quatre jours depuis l’île d’Utila dans les Caraïbes, les trois bus de la matinée et le passage de frontières m’éprouvent. La chaleur est déjà écrasante en ce milieu de journée. J’apprends avec un fond de soulagement qu’il y a plus de transport pour León avant l’aube. Repos forcé alors.
Berceau de l’industrie du tabac au Nicaragua avec plus de 40 000 travailleurs sur l’ensemble de sa chaîne de production, Estelí compte dans ses rues un grand nombre de fabriques familiales ainsi que des entreprises plus conséquentes à sa périphérie. Accompagné de mon guide Ariel, j’entre à peine le sac posé dans les entrailles d’une manufacture.
La devanture de la maison de plein-pieds ne laisse pas un instant deviner que derrière ses portes une trentaine de personnes s’attelle à un travail exigeant nécessitant de nombreuses étapes pour arriver à un résultat de qualité.
Le pays n’a développé son amour du cigare qu’à partir des années 1960 et ce, sous influence cubaine, due à la révolution castriste ayant fait venir de nombreux entrepreneurs.
- Les plantations de feuilles de tabac sont fertiles dans les sols volcaniques nicaraguayens. On attend généralement 2 mois et demi pour cueillir la plante, verte, lorsqu’elle fait 1m30. Chaque pied compte en général 35 feuilles.
- Séchée entre 10 et 12 mois, la feuille prend sa couleur marron au bout de 3 mois.
- Triées par espèce, par couleur et par taille puis attachées par paquet de 30, on les humidifie en les plaçant dans un « sauna » entraînant pendant 5 mois de nombreux procédés chimiques rendant le tabac plaisant à fumer.
- Nouvelle étape de tri et de classement. Humectées et aérées, les grandes feuilles ainsi souples servent à faire la cape recouvrant le produit. Les feuilles abîmées ou petites servent à remplir le cigare. Elles sont toutes écotées. La veine majeure est retirée.
- Tout au cours du procédé de fabrication, de nombreux contrôles sont réalisés pour assurer la qualité du produit et respecter les critères de chaque type de cigare (ici une dizaine de différents), du plus basique au produit le plus luxueux.
- Des duos se chargent de donner la forme au produit. L’un s’occupe du roulage tandis que l’autre de la cape. Ils sont payés à la pièce et en font en moyenne 250 à 300 quotidiennement.
- Placé dans des étuis puis compressés, des contremaîtres s’assurent en permanence de la qualité. Le moindre défaut entraîne un recyclage immédiat. Poids, longueur, diamètre, consistance, confection, aspect, densité… tout est vérifié (et cela plusieurs fois) !
- Une fois roulés, les cigares patientent quelques semaines dans une pièce afin de bien sécher et ne pas changer de couleur.
- La bague est alors appliquée et les cigares sont emballés, prêts pour leur expédition.
Dans les locaux, les employés peuvent fumer le cigare (et non la cigarette) et profitent gratuitement de leurs créations. L’odeur est forte dans certaines pièces (en particulier dans les lieux de stockage des feuilles) mais je finis par m’y habituer.
Je repars avec ma boîte de cigares non étiquetés à prix réduit, hâtif de faire la distribution des cadeaux de Noël à mon retour. Le lendemain, le trajet jusqu’à León (dans un minibus encore une fois conçu pour des personnes de petites tailles) se dévoile poétique avec ses forêts tropicales laissant régulièrement s’échapper des volcans et quelques colonnes de fumées au loin.
N’ayant pas encore pu juger la sécurité du pays et fuyant le pavé brûlant de la ville, je prends un vélo-taxi, spécialité de la cité. Je traverse ainsi le marché labyrinthique et gagne le centre-ville. Ici, je renoue un peu plus avec le monde du backpacker, absent depuis le Guatemala.
Mon séjour à cette étape est aléatoire. J’ai en tête quelques recommandations mais je me sens sauvage et je n’ai pas envie de me retrouver avec des groupes de voyageurs. Je visite le musée des traditions et des mythes. Alléchant de nom, je passe surtout mon temps à lire des textes affichés à côté de quelques costumes en me dissipant, amusé par les chauve-souris baillant aux corneilles au-dessus de ma tête.
Malgré mon envie d’isolement, je fais ici la retrouvaille d’Eli, américaine croisée et recroisée depuis le Bélize, avec qui je partage la découverte de la ville. Je rencontre aussi brièvement Servane, jeune baroudeuse impressionnante ayant fait du stop depuis Ushuaïa jusqu’ici. Enfin c’est surtout la rencontre de Sarah, joyeuse française courageuse et débrouillarde, qui sera la plus riche puisque c’est avec elle que je m’aventurerai sur plusieurs sentiers.
Première étape au Cerro Negro, l’un des volcans les plus jeunes au monde. Formé en 1850 par des éruptions volcaniques, il est aujourd’hui la grande attraction touristique de la région avec ses pans cendrés permettant d’y faire une activité incongrue : du surf.
L’ascension est agréable avec les rafales de vent malgré le sol poussiéreux et les roches poreuses. Le sol est brûlant au toucher, jonché de cadavres d’insectes, peut-être intoxiqués par les vapeurs ou à cause de la chaleur. La descente semble impressionnante avec une pente record. La sensation est similaire à celle de marcher dans de la poudreuse (noire et chaude cela dit). Les fesses sur la planche qui sert de surf, c’est parti pour quelques secondes de descente après une petite heure d’ascension. Si tu te le demandes, oui ça en valait la peine !
Le lendemain, départ à l’aube pour atteindre le volcan Telica. La chaleur n’est pas pour autant évitée, encore moins lorsque Sarah et moi rentrons dans la forêt qui étouffe contrairement à nos bosquets… Le chemin est long mais varié à souhait avec notamment la traversée de champs de haricots et de maïs. Je manque encore de marcher sur un serpent qui me grille la priorité (un Coniophanes imperialis pour les curieux). La vision de l’énorme cratère que nous venons voir se dévoile d’une traite et donne une nouvelle dimension au paysage avec ses plateaux rocheux et marécageux. La prairie est occupée par quelques chevaux en liberté.
Au pied de cette gueule du diable, nous n’avons pas la chance d’observer la lave en fusion plus bas, cachée par un écran de fumée opaque de 250 mètres de diamètre.
Je repère sur ma carte un autre point d’intérêt : une grotte servant d’abri à des chauve-souris. Malgré la fatigue, le détour en vaut le coup d’œil puisque nous voilà entouré de centaines de mammifères volants. Faisant vite pour ne pas les déranger, encore plus en journée, c’est surtout l’horizon qui me décide à me presser. Au loin, on aperçoit des rideaux de pluie arriver et le vent nous informe que nous ne tarderons pas à y passer.
Je cours jusqu’à une petite cabane repérée plus tôt. Les chevaux et leurs poulains galopent sur mes flancs avec l’envie de s’abriter également. Une image touchante dans un contexte improbable.
Les 31 km de ma journée me laisseront quelques courbatures et me forceront à étendre mon séjour une journée de plus. Et quelle bonne idée puisque je découvre ainsi la tradition du 14 août où tout le monde se réunit pour une procession dans les rues de León en portant la Vierge Marie, figure héroïque de la ville ayant empêchée l’éruption du Cerro Negro de toucher la cité. Feux d’artifices et danses au programme certes mais la tradition la plus originale est autre.
Les habitants ouvrent en effet leur porte pour dévoiler un autel dédié à la Sainte. Les passants s’arrêtent alors devant chaque entrée pour crier « Que causa tan alegria ?! » (« quelle est la cause de tant de joie ? »). On attend alors la réponse « Grâce à Marie » accompagnée d’un cadeau de la maison : des bonbons, des assiettes, des petits jouets, des verres, de la nourriture… Certains arpentent toute la ville et repartent avec des cabas entiers !
La chaleur de la ville m’impacte tellement qu’il m’est difficile de trouver le repos depuis mon arrivée. Tu vois cette journée où tu te lèves du mauvais pied et tout va mal ? C’est mon 15 août. Je m’ouvre le dos sur un bout de métal dépassant de mon lit superposé. La boulangerie française où j’avais commandé mes éclairs au chocolat et au café et dont je salivais d’avance a oublié de les préparer. Et il fait toujours trop chaud. Allez, je m’agite. Il faut que je bouge. Je prends un bus pour la capitale, Managua.
En découvrant la capitale, je réalise que je n’ai aucune envie de m’y arrêter et que les musées offrent des collections limitées ou peu pertinentes à mes yeux. Je file de suite à Granada plus à l’est. Je veux faire étape ici pour aller voir les entrailles de la Terre. Après une balade au marché où les étales de viande sans réfrigération me font languir d’un bon repas végétarien, je me greffe de justesse à un groupe se rendant au volcan Masaya.
Réputé pour l’activité visible du cratère Santiago (fontaines et rivières de lave, émissions de gaz visibles), c’est l’un des rares endroits sur Terre où l’on peut voir de la lave en fusion (à environ 900-1100°C) depuis le bord d’un cratère. Les paysages alentours me rappellent grandement les paysages à la végétation très sèche voire absente de certaines zones des Galápagos. Après une courte randonnée sur un volcan voisin, Nindiri, un nouveau rideau de douche se profile à l’horizon et je cours pour profiter quelques secondes de plus de la vue sur la veine de feu de cette montagne ardente.
Abrité dans le minibus, le groupe patiente pendant que les autres repartent déçus. La nuit tombe et le décor change totalement. La fumée se fait plus discrète et les viscères en ébullition se dévoilent à mes yeux émerveillés. Je me retrouve plongée dans l’univers de Tolkien une fois de plus, au Mordor, regrettant de ne pas avoir à lâcher un anneau 330 mètres plus bas (ce ne serait pas terrible pour mon empreinte carbone cela dit).
Granada reste une petite ville au bord du lac Cocibolca, le plus grand d’Amérique centrale. Ce dernier abrite l’île d’Ometepe composée de deux volcans. Ce bout de terre sera pour moi je l’espère l’occasion de trouver le repos et faire la retraite que j’envie tant depuis le début de ce voyage.
Oh la la que d’aventures encore ☺️. Et je ne pensais pas que tu serais si mignon en poussin 😆.
Quand je penses que j’aime me voir en petit globe trotteur avec tout les voyage que j’ai fait et aussi le faite que j’ai fait physiquement le tour de la planète mais quand je vois tes aventures je me trouve petit et tu me fais rêver 😘
Profite mon ami ❤️