Jours 262 à 265 – vendredi 9 à dimanche 11 juin 2023 – Xpujil, Calakmul, Campeche – Mexique
Mon séjour à Xpujil ne sera que de courte durée pour assurer à mon corps un peu de repos après la traversée de la jungle la veille et organiser mon départ pour la fameuse cité de Calakmul. Perdue au cœur de la réserve de biosphère du même nom, c’est après plusieurs heures de routes parfois goudronnée parfois terreuse, que Samuel le chauffeur de notre petit groupe nous fait gagner ses portes.
De sang maya comme 6 millions de personnes en Amérique Centrale, parlant l’un des trente dialectes encore couramment utilisés, il me permet d’en apprendre bien plus sur la culture et certains de ses pans qui continuent à être transmis et honorés. Par exemple, selon le calendrier, les agriculteurs continuent de faire des offrandes (certains fruits, du cacao…) et d’autres célébrations.
Sur le long de l’axe principal pour se rendre sur le site historique, en relevant la présence d’une saignée parallèle à la route, je découvre le projet de « train maya » en cours de réalisation, projet phare du gouvernement d’Andrés Manuel López Obrador (2018-2024). Fortement contesté pour son impact environnemental dans la région du Yucatán, ses 1554 km de chemins ferrés visent à relier les destinations touristiques du nord de la péninsule.
Si ce projet peut être pertinent (remplacer certains déplacements en avion ou en voiture), il peut aussi simplement avoir une ampleur plus conséquente en matière d’impact carbone et environnemental (combustible des trains – à l’électricité et au diesel-, augmentation du nombre de déplacements via un effet rebond). L’organisation d’une consultation très vivement critiquée par le Conseil des Droits de l’homme des Nations Unies en 2019 (rappelant les conditions de celle pour la construction de centrales nucléaires dans les années 1970-80) et l’absence d’étude d’impact environnemental sont les deux points vivement critiquables sur ce projet qui pourrait être vertueux sur de nombreux plans s’il avait été conçu avec une réflexion plus complète et une visée moins politique peut-être.
Retour aux ruines. Les visiteurs sont peu nombreux. Le « parc » est immense. La sensation à errer seul dans la jungle est unique et délicieuse. Difficile de ne pas se sentir dans la peau d’un archéologue. À chaque virage, une nouvelle surprise dissimulée par la densité de la forêt aux mille nuances de vert. On tombe parfois sur une stèle avec des restes de sculptures, de pigmentations et de glyphes voire un temple ou une habitation isolée… D’autres fois c’est tout une place abritant un complexe de plusieurs temples, tous plus hauts les uns que les autres et aux escaliers toujours aussi raides et impressionnants. Les marches étaient d’ailleurs construites de la sorte afin de forcer les habitants de la cité à se courber s’ils osaient se rapprocher des cieux et de leurs dieux.
Ce n’est pas seulement l’architecture qui fait la réputation des mayas dont les origines de la civilisation restent troubles (entre -7000 et -2000). Leurs connaissances astronomiques, mathématiques et scientifiques sont une prouesse pour leur temps. Si leur territoire s’étendait en majorité sur la péninsule du Yucatán (sud du Mexique, Guatemala, Belize) jusqu’au Honduras et Salvador, il ne s’agissait pas pour autant d’un Empire avec un pouvoir centré. Des rois ou des chefs concentraient certains pouvoirs qu’ils déléguaient aux nobles.
Les cités-États se sont tellement développées entre 500 pour certaines jusqu’aux environ de l’an 1000 qu’on comptait selon les dernières estimations de National Geographic 500 000 personnes dans la cité de Tikal au Guatemala à son Âge d’or.
Il faut imaginer les nombreux jeux de pouvoir de l’époque entre les différents territoires et les alliances formées par le sang. Les civilisations voisines (olmèques, toltèques…) permettaient également d’obtenir de nouvelles ressources et connaissances. J’adore l’idée que certaines cités alliées étaient reliées entre elles par de larges routes bordées par des pierres blanches. Je pourrai d’ailleurs en observer quelques traces plus tard au Guatemala.
Au tempérament belliqueux, les nombreuses guerres au fil des siècles ont probablement affaibli les mayas. Utilisant en grande quantité dans leur construction la pierre calcaire qu’il fallait chauffer et le stuc, cela engendre une forte déforestation (difficile à imaginer avec une pareille végétation autour de soi) et combine avec une grande période de sécheresse (l’érosion des sols n’a pas dû aider…).
La surpopulation a également pu jouer un rôle (moins d’eau signifie de moins bonnes récoltes ; s’ensuivent famines et maladies) pour que les habitants fuient en campagne. Lors de l’arrivée des espagnols, la civilisation s’est déjà éteinte et le peuple maya est dispersée dans de petits villages. La colonisation aura par la suite eu raison d’une grande majorité des peuples autochtones dont les mayas faisant partie. Une étude évoque 90% de la population amérindienne (potentiellement 56 millions de personnes) anéantie en un siècle soit 10% de la population mondiale. Un impact tel qu’il aurait eu un impact sur le climat mondial.
Si je te parle du 21 décembre 2012, ça te parle ? On attendait tous patiemment la fin du monde ce jour-là mais dans le calendrier maya, il s’avère qu’il s’agissait de la fin du cycle de quelques 5200 ans de création et de destruction. Le monde aurait commencé le 11 août de l’an -3114 et le cycle a pris fin ce fameux jour.
Deux calendriers étaient utilisés. L’un, Tzolk’in, était à caractère divinatoire et religieux et avait une durée de 260 jours. Le deuxième, Haab, était de 365 jours, basé sur le système solaire et était à caractère civil. Il comptait 18 mois de 20 jours (la base du système de comptage maya tandis que le nôtre repose sur un système décimal) et 5 jours à part de célébrations. Ces deux calendriers se synchronisent tous les 52 années solaires. Pour faire le lien dans tout cela, il était utilisé le compte long afin de pouvoir dater dans le temps les événements (on peut parler de « supercycle » qui a donc pris fin le 21 décembre 2012 pour en ouvrir un nouveau).
Compliqué, n’est-ce pas ? J’ai dû faire quelques recherches pour être sûr de tout comprendre. Je ne me suis pas amusé à pousser jusqu’à expliquer l’écriture mathématique (pourtant divertissante). La prochaine fois, je m’attarderai sur la cosmologie maya (et c’est un joyeux boxon). Allez, on se repose un peu le cerveau avec de jolis animaux observés dans cette réserve de biosphère de Calakmul.
En repartant des ruines, on me laisse au bord de la route où j’attends avec mes deux sacs sous une chaleur torturante de voir un bus passer sans savoir lequel. Le sommeil m’assomme mais je lutte patiemment pour faire signe à chaque navette qui passe. En y rentrant, aucune place disponible pour s’asseoir. Les joies du bus au Mexique. On reste alors debout en espérant qu’une place se libère dans peu de temps. Je suis accueilli la nuit tombée par William et Mailey qui m’hébergeront pour deux nuits.
Je profiterai de la ville de Campeche pour me reposer un peu. Je visite un petit musée sur la culture maya dans un fort construit pour se défendre des pirates (sa construction fut terminée une fois que la menace était passée, cocasse !) et tente de me protéger de la chaleur toujours aussi difficile, même en ville.
La bienveillance des mes hôtes Couchsurfing me permet de reprendre des forces tout en enrichissant ma culture du pays, y compris culinaire. Une journée de repos donc avant de repartir pour de nouvelles ruines, cette fois sur le site de Uxmal !