Un pays à deux visages

Jours 243 à 249 – Dimanche 21 à samedi 27 mai 2023 – Guadalajara, Guanajuato, San Miguel de Allende

Ma musique “mémoire” du lieu , si l’envie te prend de l’écouter durant ta lecture.

Alors que je descends de mon premier bus d’Amérique Centrale, surpris par la chaleur environnante après 7h à grelotter avec la clim’, je fais état de la générosité du peuple mexicain au gré des conseils donnés pour arriver jusqu’au centre-ville. En attendant l’arrivée de Cuauhtémoc, je profite de ce temps libre pour assister à un mariage à l’église sur la place. Autre pays, mêmes personnes sur leur 31 et rien de bien dépaysant pour autant.

Je rencontre en début d’après-midi Isabel, une amie de ma belle-sœur, et son mari Cuauhtémoc chez qui je resterai deux jours. Parlant un français impeccable et connaissant très bien l’Hexagone comme le Mexique, j’en profite pour interroger sur la situation du pays que je visite, les différences, la progression des dernières années, la question de la corruption… Dès l’arrivée au marché artisanal le soir, je goûte de nombreuses nouvelles saveurs dont les noms m’échappent souvent.

La cuisine locale est riche en viande avec très souvent une base de galette de maïs, solide ou souple : tacos, sopes, gringas, quesadillas, enchiladas, gorditas, tortillas, burritos, fajitas, tostadas… Le tout est agrémenté d’oignons crus, de citron vert, de sauce de la plus douce à la plus piquante, à la volonté de chacun. Il existe d’autres plats plus traditionnels comme le pozole (bouillon d’une viande à choisir -ça peut être les yeux et la langue si on veut se faire une folie- accompagné de salade et de maïs) et sûrement bien d’autres que je n’ai pas encore eu la joie de découvrir.

Ce séjour à Guadalajara sera donc l’occasion d’avoir de longues discussions avec ce merveilleux couple aux nombreuses connaissances et à la joie de vivre communicative. Le lendemain soir, après une journée de balade à fuir le soleil, rendez-vous à la cantina pour mon immersion dans la tradition mexicaine. Pas de groupe d’aliens qui joue contrairement à la la cantina de Star Wars en introduction de ce billet mais quelques hommes chantent et jouent des airs semblant réputés. À la carte bières, mescal et tequila. Et pour conclure la soirée, c’est dans les petits stands de rue que les mets sont souvent le plus délicieux et bon marché.

Mardi, c’est mon hôte de Couchsurfing qui m’accueille à l’arrivée en centre-ville de Guanajuato à 3h de bus de Guadalajara. Natalia vit ici depuis plusieurs années et a l’une des plus belles vues sur la ville depuis sa maisonnette suspendue sur l’une des collines de la ville. Jonglant entre son travail de barmaid et de de projectionniste, elle profite de son temps libre pour me faire découvrir la ville et ses spécialités.

J’ai la chance d’assister à une procession en l’honneur de la Vierge de Guadalupe. L’une des nombreuses du mois de mai. Chaque défilé est néanmoins organisé par un corps de métier. Ce jour-là, ce sont les taxis qui défilent avec des vierges fixés sur les toits des véhicules et suivent le cortège des nombreuses fanfares et danseurs déguisés pour l’occasion.

Invité par Ludivine et Luis que je viens de rencontrer, je profite de mon passage à Guanajuato pour faire une courte randonnée avec un point de vue panoramique sur la ville de bonne heure. Le reste de mon temps libre est dédié à chercher l’ombre et continuer d’écrire et d’organiser mon voyage après avoir fait la visite du musée d’Alhondiga pour apprendre l’histoire de la guerre d’Indépendance du Mexique.

Comptant probablement parmi l’une des plus importantes des Amériques, elle a été comme bien d’autres influencée par des causes externes (Révolution française, indépendance des États-Unis d’Amérique…) et internes (inégalités sociales, ressenti des créoles -Espagnols nés sur le territoire de la colonie- envers les les espagnols nés en Espagne…).

Le territoire de la Nouvelle-Espagne en 1819.

De 1810 à 1815, ce sont les débuts de la guerre et de l’organisation. Après la capture de l’Espagne par Napoléon en 1808, la Nouvelle-Espagne est affaiblie et la guerre d’indépendance est déclenchée à la suite d’un complot avorté face aux français occupant le territoire et la réaction immédiate d’un appel aux armes par Hidalgo (le « cri de Dolores » prononcé chaque année depuis par le Président à la fête nationale) .

« Vive Notre-Dame de Guadalupe ! Mort au mauvais gouvernement ! (celui de Joseph Bonaparte) Vive Ferdinand VII d’Espagne ! (considéré par les créoles comme le roi légitime) »

Une armée désorganisée se forme en réponse à l’appel et les premières batailles sont remportées (comptant également des massacres et des viols. Faute d’avoir réussi à prendre la ville de Mexico, les insurgés se réfugient au Texas pour se réorganiser. Hidalgo est abattu en 1811 et les autres héros de l’insurgence sont exécutés (dont le père Allende). Les têtes de 4 d’entre eux seront d’ailleurs suspendues dans des cages depuis le toit aux angles du musée que je visite, ancienne grange devenu place forte puis prison au fil des ans. Un rappel quotidien de ce qu’il en coûte de défier les autorités.

La rébellion est alors dirigée par Morelos et Rayón qui remportent de nombreuses batailles. Après la mort de Morelos en 1815, la stratégie change pour se transformer en guérilla bien que le camp soit fortement affaiblie. Presque perdu, la lutte reprend espoir avec l’union de Iturbide et Guerrero, créoles et mexicains ayant trouvé un terrain d’entente après avoir appris le soulèvement social en Espagne en 1820 au retour au pouvoir de Ferdinand VII.

Cela aura pour conséquence la mise en place du Plan Iguala reposant sur trois principes de base : égalité sociale, maintien de la religion catholique et indépendance du Mexique. Malgré encore quelques points de résistance, c’est fin 1821, une fois le plan signé par tous, que le traité de Cordoue est adopté. Les créoles ont les mêmes droits que les péninsulaires et naît le Premier Empire Mexicain.

De retour en 2023 avec une dernière étape au nord de la capitale en arrivant à San Miguel de Allende à l’atmosphère similaire à Guanajuato. La ville est néanmoins sacrément vallonnée avec des trottoirs totalement chaotiques.

J’y retrouve Alix, mon hôte Couchsurfing qui me partagera de nombreuses anecdotes et me donnera un aperçu de la vie au Mexique en étant elle-même mexicaine avec la nationalité américaine. Mon séjour dans cette petite ville sera surtout l’occasion de prendre le temps de ralentir et anticiper la suite de mon séjour. Les rues colorées appellent fortement à prendre des tas de photos. Pas étonnant que les deux dernières villes aient tant inspirés les décors du film Disney Coco en 2017.

Au final, ces premières étapes me confirment cette sensation de pays à deux visages. La volonté de se moderniser et de calquer le mode de vie états-uniens est à double-tranchant. En s’en rapprochant, la culture locale est mise de côté malgré sa richesse. Les classes sociales prennent ainsi de la distance entre elles et naissent ainsi la rancœur et l’envie, creusant encore plus les écarts.

Le tourisme est très fortement développé dans certaines régions avec une sécurité conséquente tandis que d’autres restent très pauvres et isolées, à la merci de nombreux cartels grandement armés. Les nombreux peuples indigènes restants peinent encore à être reconnus et valorisés même si la quantité importante de ruines précolombiennes pousse à un maintien de l’histoire et des traditions, à la manière du Pérou avec le Machu Picchu.

Allez, petite sélection photo de San Miguel de Allende !

Il est l’heure de continuer l’aventure. Après deux jours à profiter du bon vivre de San Miguel de Allende -comme de nombreux gringos à en croire mes oreilles entendant presque plus la langue de Shakespeare que celle de Carlos Santana (on a les références qu’on a) dans les quartiers visités-, c’est parti pour une journée de transport. Faute d’aller dans une autre région à l’est qui m’appelait grandement mais dont la sécurité n’est absolument pas assurée, direction la belle ville d’Oaxaca !

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