Jours 212 à 215 – Mardi 22 à vendredi 25 novembre 2022 – Mendoza, Neuquén, Villa El Chocón – Argentine
Ayant nourri depuis des années mon imaginaire sur l’Argentine à travers les voyage d’amis et de la famille, la fatigue laisse place à la curiosité. Si le Chili est fortement influencé par le modèle états-uniens, ce nouveau pays me semble proche de l’Europe. Sentiment probablement accentué par la population éclectique du pays. En crise économique depuis de nombreuses années avec une monnaie qui ne cesse de se dévaluer, le plus fort billet de 1000 pesos argentins permet rarement de payer un menu du jour au restaurant.
L’astuce des voyageurs face à ce coût de la vie croissant est d’utiliser le fameux « taux bleu » (blue dollar en anglais), un taux avantageux d’une économie parallèle permettant à mon passage de doubler mon pouvoir d’achat. Pour retirer cet argent, il faut néanmoins passer par Western Union et un simple retrait peut donc prendre des heures et contraignant (le guichet peut vite être à court de liquidité par exemple).
La ville de Mendoza est notable pour son système d’irrigation en pleine ville et ses nombreux parcs plus que bienvenus pour apporter un peu de fraîcheur dans ce contexte printanier de grandes chaleurs. C’est aussi ici que le général San Martin a rassemblé ses armées pour aider à l’Indépendance du Chili puis du Pérou (rappelles-toi sa statue sur une place à son nom à Lima).
Après avoir rencontré mon hôte Ricardo qui m’héberge pour deux nuits grâce au système de Couchsurfing, je prends mes habituelles marques en me baladant en ville et en m’abritant dans un café après avoir géré la partie logistique.
La région étant réputée pour sa production vinicole, je partagerai quelques verres avec mon hôte en écoutant attentivement ses nombreux récits notamment sur l’état du pays et le regard qu’il pose dessus. J’adore décidément ce genre de moment inespéré à partager sans retenue. L’habitude de partager une coupe de vin revient bien facilement et c’est mon foi qui me fait sentir qu’on devrait y aller doucement.
Après une nuit agité, je prends mon premier train d’Amérique du Sud pour me rendre aux périphéries de la ville pour faire comprendre à mon corps que j’ai bien compris le message en entamant une visite de quelques bodegas de la ville et terminer par le musée du vin. Les premiers vignes datent du XVe siècle où les prêtres ont ramené des pieds de vigne pour la messe (et uniquement pour ça, attention).
Les vagues d’immigration européenne et le développement des axes de communication dans le pays pour désenclaver la région ont permis l’essor de cette production. La grande différence avec l’Hexagone est dans la production constante de vin à l’année (et oui, 330 jours de Soleil dans l’année aident). Le cépage le plus réputé reste le Malbec ayant fortement évolué localement offrant un goût assez intense et moelleux en bouche, les tannins étant souvent soyeux.
Un bus de nuit m’attend pour rejoindre de manière un peu hasardeuse la ville de Neuquén plus au sud. Longeant la cordillère sur l’est pour la première fois du voyage, j’aperçois lors du trajet les fameuses grandes étendues réputées des terres argentines. Mon objectif est de me rendre dans un petit village à proximité pour y voir un musée partageant les nombreuses découvertes de la région en matière de paléontologie.
Arrivé de bonne heure, je me renseigne au terminal et j’apprends qu’il semble bien difficile voire impossible de faire l’aller-retour dans la journée post-COVID. Accueilli par la tante d’une de mes meilleures amies d’origine argentine Julie, je prends le temps d’accepter mon échec autour d’un riche petit-déjeuner avec Estela qui m’hébergera pour la nuit. Après déjà quelques discussions rythmées, elle me propose de m’emmener elle-même au musée. Les petits cœurs réapparaissent dans mes yeux immédiatement et nous voici en route pour Villa El Chocón.
Sur la route, je m’étonne de voir plusieurs petits forages étalées dans les plaines. Vu la taille, je devine qu’il s’agit à la manière des États-Unis de forages pour du gaz de schiste faisant des ravages sur les sites exploitées. Il semble d’ailleurs que Total et d’autres majors se soient vite emparées du filon et cela au détriment des règles environnementales et du respect des droits des peuples autochtones. Ici, c’est sur le plateau de Vaca Muerta que les communautés Mapuche sont menacées face à ce fracking contaminant les terres et eaux voisines.
Accueilli par un carnotaure à l’entrée du musée Enersto Bachmann, c’est ici que le premier fossile d’un Giganotosaurus carolinii a été découvert en 1993, un petit gars encore plus imposant que le T-rex, star d’un film évoquant un parc à thème, sortie la même année. Pour accompagner le plus grand carnivore découvert à ce jour, de nombreux autres squelettes sont exposés comme un allosaure, un choconsaurus (un sauropode, un long-cou quoi), un argentinosaurus (un autre long-cou mais sûrement l’un des plus grands du monde) et un amargasaurus avec des vertèbres terminant en épines pour se montrer plus imposant.
Mon séjour dans ce village avec Estela se terminera par la découverte de traces fossilisées de dinosaures disparus il y a 150 millions d’années. Quelle merveille… Après avoir marché jusqu’aux rives du lac bordant le village et ramassés quelques déchets, il est temps de se reposer et de tester un peu les cordes de ukulélé, dernier achat pour parfaire ma vision d’homme perdu dans les steppes patagoniennes accompagné de sa tente et de son feu de camp. Plus qu’à apprendre…
Je termine mon séjour à passer la soirée à échanger avec Estela sur nos voyages respectifs, notre vision de la vie et de la famille… Cela autour de quelques croque-madame, d’un bon vin et de la mélodie de ce bon vieux Georges dont la verbe ne cesse de m’enchanter.
Demain, départ à l’aube pour m’engager plus loin dans la Patagonie argentine en direction de San Carlos de Bariloche.