Pieds bleus, bosses et carapaces

Jours 113 à 115 – Lundi 13 à mercredi 15 août 2022 – Puerto López, Isla de la Plata – Équateur

Les journées à Puerto López seront des véritables moments de repos à flâner un jus de fruits frais sur la plage à lire l’histoire de l’Empire Inca et son déclin face à l’envahisseur Espagnol. La majorité du récit se déroule au Pérou aussi j’en parlerai au fil de mes découvertes. Concernant l’Équateur, le pays faisait partie durant un peu moins d’un siècle de cet État de la civilisation andine s’étendant sur 4500 km le long de la Cordillère des Andes. Impressionnant face aux contraintes du territoire : côtes désertiques, pente, altitude, froid…

Ma musique “mémoire” du lieu, à écouter durant la lecture si ça te dit !

L’empereur Huayna Capac a pu finir le travail de son père en soumettant les populations de nouveaux territoires. À sa mort suite à une épidémie de variole, ses deux fils se disputent la gestion de l’Empire avec Huascar basé à Cuzco et Altahualpa exerçant depuis Quito. C’est dans ce climat de tension qu’arriveront 180 étrangers barbus et casqués dirigés par Francisco Pizarro. Mes prochaines destinations au sud de l’Équateur et au Pérou seront riches d’histoires et d’anecdotes sur les différentes civilisations conquises par les incas, le fonctionnement et le déclin de l’Empire.

Lundi 15 août, nous partons de bonne heure avec la troupe pour notre dernière excursion ensemble : l’île de la Plata au large de la ville. Après une heure de bateau, nous voici sur un endroit au nom intriguant. Deux origines face à cette réputation d’île argentée. La première serait liée aux pirates dont Sir Francis Drake qui y aurait caché son trésor encore introuvable (quelques pièces d’or ont tout de même été découvertes). L’autre vient de la concentration de fous à pieds bleus dont le guano en quantité conséquente pourrait faire briller l’île la nuit.

Huascar & Altahualpa
Pizarro confrontant Altahualpa à Cajamarca

Accueillis par des pêcheurs sur une petite barque entourée de pélicans et de tortues, nous apprenons que ce lieu est plus protégée que les Galápagos. Son phare y abrite une caméra panoramique couvrant l’intégralité de ses côtes pour contrôler le tourisme et la pêche. Il y a quelques années, des bateaux de pêche chinois étaient présents illégalement pour chasser la baleine à bosse.

Non pas volcanique comme le sont les îles Galápagos, la végétation y est pourtant similaire avec des étendues d’arbustes dénudés à perte de vue sur un sol sec. Les espèces introduites (chevaux, chiens, chats, vaches, chèvres…) lors de sa colonisation (petite village de pêcheurs, hôtel privé de haut standing pour chasser…) ont été supprimées à défaut des quelques rats restants. De nombreux pièges sont placés pour les empoisonner sans mettre en danger les autres espèces.

Durant notre randonnée sur un des chemins publics de l’île, nous croisons de très nombreux couples de fous à pieds bleus (en septembre, on en compte 14 000). Alors pourquoi cette couleur ? Il s’avère que c’est comme pour les flamands roses, la raison en est l’alimentation, ici riche en sardines. Excellents pêcheurs, le mâle va pêcher puis retourne couver tandis que la femelle part à son tour. Les œufs  n’éclosent pas en même temps et le premier à sortir aura la mission de veille sur ses frères et sœurs (3 maximum). À trois mois, la famille pêche ensemble jusqu’à ce que le jeune soit un bon pêcheur.

Les autres oiseaux sont tout aussi notables : il n’existe plus qu’un couple d’albatros dont l’espèce est fortement menacée. Lorsque l’un des deux meurt, l’autre se laisse mourir. Le pélican est moins romantique puisqu’il tue le plus faible de ses deux bébés. Le Fou de Grant, tout élégant habillé de blanc avec des touches de noir, voit l’un de ses deux bébés mourir systématiquement.

Hormis l’albatros que j’aurai la chance d’observer plus tard aux Galápagos durant un voyage en ferry, les autres espèces ne sont vraiment pas craintives et se laissent facilement approcher. De nombreuses règles sont bien sûr mises en place pour ne pas les déranger et respecter l’espace de ces animaux sauvages.

Au large des côtes, nous apercevons de nombreuses fois un spectacle inédit : des groupes de baleines à bosse qui font la cour à une femelle à coups de queue et sauts majestueux. En direction du continent, nous croiserons plusieurs de ces géants des mers qui captureront toute notre attention, à défaut de celle de Thibaut, tout jaune avec son mal de mer. Nous faisons la remarque à l’équipage que nous sommes trop proches. Parfois à une dizaine de mètres quand il faut en respecter a minima une centaine pour éviter de mettre en danger ces créatures que nous venons admirer. Je me permettrai de signaler la société au gouvernement. En temps normal, il y a ici toujours un biologiste de présent pour s’assurer du respect des règles.

La cour des mâles
Le saut d’un adulte
Les sauts d’une mère et son petit

Durant mon séjour, j’ai la chance de me porter volontaire une journée à un centre de secours pour tortues qui se sont noyées après une collision avec un bateau ou qui se retrouvent blessées via la pollution ou la pêche. L’objectif est de nettoyer les piscines où elles sont gardées, les alimenter et les stimuler pour leur faire dépenser un peu d’énergie.

Alors que notre groupe prend différentes directions, c’est après des au revoir touchants que je prends la direction de Guayaquil pour y passer quelques jours avant de partir en direction des Galápagos. La ville a la réputation d’être la plus dangereuse du pays et l’attentat des jours précédents semble le confirmer. C’est aussi la ville la plus peuplée d’Équateur. J’y ferai la rencontre de Carla qui mettra toute l’énergie possible pour me prouver qu’elle a bien d’autres aspects que sa réputation ne le laisse entendre.

Thibault, Romane, Alex, Maxime, Fer, gracias para todo !

Je conclus cet article avec quelques faits divers que j’ai pu observer jusqu’ici :

  • Suite aux nombreux paysages colombiens comptant d’innombrables plastiques au sol, l’Équateur est bien plus propre et le nombre de déchets que je ramasse durant mes balades est bien moindre (quel gain de temps) !
  • Ici, le dollar est la monnaie nationale depuis 2001 suite à une inflation explosive ayant plongé le pays dans une crise inédite. Cela aura pour effet d’américaniser fortement le pays (les États-Unis ont pourtant déjà une forte influence sur les autres pays du continent). Cela engendre des mots américains dans le langage commun et les médias. Face à l’euro qui s’est cassé la figure avec la guerre en Ukraine, mon portefeuille en est fortement affecté. Le prix du gasoil et le rebond post-COVID auront d’ailleurs de conséquences importantes sur mon budget.
  • Les équatoriens parlant anglais sont bien plus nombreux et les américains venant passer leur retraite dans le pays renforce ce phénomène, en plus de pousser à la hausse des prix notamment sur le secteur immobilier (à la manière de Bordeaux suite à l’arrivée des parisiens après la création de la ligne ferroviaire reliant la capitale).
  • Pour te dire au revoir, on te remercie en te disant être à tes ordres, a las ordenes !
  • On repère très vite l’étranger ici et on va souvent lui proposer un prix différent de celui pour les locaux. Il faut encore plus négocier et ça arrive souvent d’être pris pour un pigeon (ils se gourent de volatile) ! Des voyageurs que je rencontre, cela ne fera qu’empirer avec le Pérou.
  • Pour se déplacer, je prends très majoritairement des bus. Mon dos et mes fesses me remercient de les chouchouter grâce à l’état des routes bien meilleur qu’en Colombie. Néanmoins les vols sont fréquents dans ce transport aussi obligation de garder son sac sur les genoux…
  • Quand on achète un ticket de bus dans un terminal, il faut acheter un autre ticket de quelques centimes pour accéder à son bus. Le jeu est de réussir à contourner cela à chaque fois.
  • Toujours dans les bus, on passe des films en continu sans penser aux éventuels enfants qui pourraient s’y trouver. Malgré moi, je verrai « Predator », un film stressant sur un kidnapping d’enfant, un autre sur un requin préhistorique qui mange des jeunes femmes durant une plongée et bien d’autres. Heureux d’avoir 30 ans à ce moment-là. Petite pensée pour mon frère traumatisé de cette manière par « Ça » et son clown.
Hi, Georgie!
  • L’ambiance sonore est bien plus douce ici qu’en Colombie. Pas de musique en continue, l’agitation que je connais dans les rues depuis trois mois à laisser place à une ambiance apaisée, sans klaxon continue notamment. Il faut par contre accepter les travaux qui peuvent durer toute la nuit.
  • Les camions-poubelles déambulent avec de la musique. D’autres pour les bouteilles de gaz ou récupérer du métal par exemple. Certaines mélodies sont douces tandis que d’autres peuvent vite rendre dingue.
  • Toujours dans les rues, on trouve de nombreux chats et chiens errants nourris par les locaux et parfois les touristes. Si en Colombie ils semblaient souvent en meilleures formes, ici j’en ai vu très mal en points et ça retourne vite l’estomac.
  • J’aurais pensé qu’un pays ayant un tel rapport à la nature protège ses cours d’eau mais hormis à Cuenca au sud, les usines se font une joie de rejeter leurs polluants dans les rivières sans être traitée, et ce jusqu’aux habitations.
Madame Tortue n’apprécie pas et aimerait qu’on fasse quelques efforts (et ce n’est pas du tout sa manière de se nettoyer les yeux du sel).

Comments

  1. Danquechin dorval

    Dis moi ! Tu es vraiment infiltré dans ces pays ! C’est super tes commentaires ! Tres réalistes ! Bravo pour ces recits trés imagés ! Prends soin de toi ! Apres ces périples en montagne ! Affrontant la nature
    !! Qui as toujours raison ! Bises

    1. Merci pour ces encouragements Gérard et Sylvie ! Des bises depuis le Pérou où je me remets tranquillement de mes aventures récentes !

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